Apollonia Saintclair est une illustratrice érotique anonyme, qui s’est fait connaître avec succès sur son compte Instagram, enregistrant à ce jour plus de 240K followers. Ses illustrations explicites en noir et blanc pourraient faire rougir les plus averti.es d’entre vous, et placent comme sujet les femmes en tant qu’actrices actives de leur désir, de leur corps, de leur plaisir et de leur sexualité.

Qui es-tu Apollonia Saintclair ?

Une personne sans profil particulier qui est tombée très tôt amoureuse du beau sous ses formes les plus sublimes et les plus dérangeantes. Mon parcours tortueux se résume à cette recherche de la sensation esthétique, d’abord comme consommatrice, puis comme créatrice. Au-delà de cela, qui je suis au civil est totalement sans intérêt : seuls comptent les dessins que je partage avec vous.

« Le régal » d’Apollonia Saintclair
« Le régal » d’Apollonia Saintclair

Comment est née ta rencontre avec le monde du dessin ?

Ma première rencontre avec le dessin a été la collision avec Leonard de Vinci : alors que je devais avoir cinq ou six ans, j’ai eu entre les mains un fac-similé d’un Codex et j’ai plongé dans un monde d’idées qui, pour moi, incarne aujourd’hui encore la plus pure forme de science-fiction. Cette première émotion n’a été surpassée que lorsque, plus tard, j’ai découvert Manara et finalement Moebius.

« La main baladeuse » d’Apollonia Saintclair
« La main baladeuse » d’Apollonia Saintclair

Dans ton univers, on voit des femmes qui ont plein pouvoir sur leur désir et leur corps. Elle ont une libido sauvage et jouent des codes de la soumission pour mieux dominer. Qu’est-ce qui t’a donné envie de partir sur ce terrain d’expression et quels messages souhaites-tu faire passer ? 

Les femmes jouent certainement un rôle actif dans les histoires que je dessine, et si cela se remarque, c’est simplement parce que, culturellement, c’est un fait relativement nouveau.

D’une part, cela reflète ma propre conception de la sexualité, où femmes et hommes doivent pouvoir jouer tous les rôles qu’ils désirent, sans autre restriction que le consentement de leurs partenaires.

Mais c’est surtout un terrain d’expérimentation esthétique, car si au cours de l’histoire de l’art, on a vu les hommes dans toutes les situations, les femmes par contre ont été généralement cantonnées dans des rôles limités ou mineurs. Prendre ces archétypes à rebours, en inversant la perspective des genres permet tout simplement de créer de nouvelles et savoureuses histoires.

« Le sommeil du monstre » d’Apollonia Saintclair
« Le sommeil du monstre » d’Apollonia Saintclair

Le grain de tes illustrations est très particulier et reconnaissable. Cette domination du noir et ce côté crayonné accentuent l’effet “dark sex”. Qu’est-ce que cela nous dit de ta vision de la sexualité ?

La sexualité au sens large est une lutte où s’affrontent les codes, les courants dominants et toutes forces en jeu dans la société. Historiquement, c’est le corps des femmes qui en est le champ de bataille principal.

Vous ne pouvez pas représenter la sexualité sans que cela soit éminemment politique. Le regain de puritanisme actuel, la censure sur les réseaux sociaux ou encore le projet d’identification forcée sur les sites pornographiques au Royaume-Uni, sont autant de mises au pas, hard ou soft, qui visent à contrôler les corps et les passions.

Si mes dessins sont souvent noirs, c’est au même titre que les films noirs, qui sont une incarnation de temps troublés. Ceci n’empêche pas que nombre d’autres dessins soient plus solaires : le noir et blanc est par définition une recherche constante de tous les effets de lumières qu’il est possible de mettre en image.

« La lionne blessée » d’Apollonia Saintclair
« La lionne blessée » d’Apollonia Saintclair

Où puises-tu ton inspiration ?

Pour me mettre à dessiner, j’ai besoin d’une idée qui promette autant d’être visuellement forte, que de raconter une histoire intense. Souvent, c’est une image que je vois dans le quotidien ou dans les médias qui déclenche sans prévenir un début de fantasme, que j’essaie peu à peu de circonscrire pour le faire entrer, graphiquement et fictionnellement, dans un cadre que je puisse dessiner.

« La déflagration » d’Apollonia Saintclair
« La déflagration » d’Apollonia Saintclair

Qu’est-ce qui est le plus dur et le plus beau dans le métier d’illustratrice ?

L’éternel recommencement : que chaque dessin soit un nouveau challenge, de ne pas savoir si je vais réussir à mettre sur le papier ce que je devine intérieurement. Dans cette vocation, il n’y a pas d’acquis, il n’y a que le prochain dessin – et après celui-ci, le suivant…

Un sort est jeté, tu n’as le droit de garder qu’un seul de tes dessins, lequel serait-il et pourquoi ?

Le masque de la Méduse (Object woman), parce qu’il concentre nombre de thèmes qui me sont chers en tant qu’artiste – et que personne – comme les rapports entre voyeurisme/exhibitionnisme et domination/soumission, qui sont au centre de notre monde visio-centriste. Ce dessin, dont l’idée est née en un éclair, est un écho au mythe de la Méduse, dont le regard mortel est par définition la matérialisation des jeux de pouvoir entre le sujet et l’objet, entre donner à voir et exhiber.

« Le masque de la Méduse » d’Apollonia Saintclair
« Le masque de la Méduse » d’Apollonia Saintclair

Une anecdote que tu aimerais raconter ?

Que dire de la vie trépidante d’une illustratrice ? Beaucoup de calme, de travail solitaire, la nuit, dans une bulle de lumière, avec la brume odorante d’un thé au jasmin qui monte vers le plafond : le contraste complet avec l’avalanche de commentaires qui s’ensuit sur les réseaux sociaux !

Si ta sexualité était une œuvre d’art, comment la nommerais-tu ?

L’œuvre au noir.

Vous pouvez retrouver les illustrations d’Apollonia Saintclair sur :
Web: www.apolloniasaintclair.com
Instagram: https://www.instagram.com/apollonia.saintclair/
Bigcartel (shop): apolloniasaintclair.bigcartel.com
Twitter: https://twitter.com/e_sympathique