Le 21 mars 2019, nous avons eu la chance d’être invitées au Grand Rex pour assister à l’avant-première de #Female Pleasure, le documentaire de Barbara Miller. Le pitch ? Cinq héroïnes, cinq pays, un combat : s’affranchir des préjugés, combattre les violences faites aux femmes, et conquérir le droit à disposer de son propre corps. Une grosse claque !

Une image vaut mille mots

Ce 21 mars, elles sont deux des héroïnes à avoir pu faire le déplacement : Vithika Yadav, militante indienne à la tête de Love Matters, un site d’information positif sur l’amour et le sexe à destination des jeunes, et Leyla Hussein, thérapeute et activiste somalienne, militant notamment pour la fin des mutilations sexuelles génitales. A leur côté, Barbara Miller, la réalisatrice, dont le documentaire a déjà reçu une standing ovation au Festival de Locarno l’an dernier. Elles se présentent en quelques mots puis introduisent le film, rapidement, préférant laisser aux images le soin de s’exprimer.

Quand les lumières se rallument, après 1h40 de projection, on comprend mieux pourquoi. Ce film est un choc. Un choc parce que malgré les avancées, il reste tellement à faire, partout dans le monde, et à tous les niveaux, pour combattre les violences faites aux femmes. Dans cette époque post #metoo, la thématique a pourtant été relayée par de nombreux médias, des voix se sont élevées en nombre, et de nombreuses initiatives ont vu le jour pour défendre le droit d’un sexe prétendu faible. Mais nous sommes encore loin du compte.

Cinq histoires, un seul combat

Le film s’ouvre sur Deborah Feldmann, qui a fui sa communauté hassidique de Brooklyn après avoir été mariée de force à 17 ans. Puis nous faisons la connaissance de Vithika, présentée plus haut, de Doris Wagner, jeune religieuse allemande qui destinait sa vie à Dieu avant d’avoir été violée à plusieurs reprises par un prêtre de sa communauté, de Leyla Hussein et enfin de Rokude Nashiko, artiste plasticienne japonaise, qui s’est fait arrêtée pour avoir réalisé des œuvres inspirées de sexes féminins. Tout au long du film, la caméra fera des allers-retours entre chacune de ces femmes, les suivant dans leur combat quotidien pour se réapproprier leur féminité et combattre le patriarcat.

Rokude Nashiko, montre une mascotte en forme de vulve à une conférence de presse à Tokyo, en 2014.

Rokude Nashiko, montre une mascotte en forme de vulve à une conférence de presse à Tokyo, en 2014.

La domination patriarcale

Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Qu’il s’agisse de l’Inde, de l’Allemagne, du Royaume-Uni, des Etats-Unis ou du Japon, chacune des protagonistes s’est heurtée à une société dominée par les hommes, où la voix de la femme n’est jamais tout à fait l’égale de celle de ses congénères masculins, et ce quelle que soit sa culture d’origine et sa classe sociale.

Si l’œuvre de Barbara Miller permet de mieux appréhender l’étendue mondiale du problème, elle a également le mérite de poser la question du pourquoi. « Que s’est-il passé, il y a des milliers d’années, pour que les hommes s’attaquent à notre corps ? » se demande Leyla au début du film. Si la question reste ouverte, Barbara Miller semble néanmoins pointer du doigt un dénominateur commun : la religion. Citations à l’appui, la réalisatrice montre comment, dans de nombreux textes fondateurs, la femme est considérée comme pécheresse, et son sexe, comme dangereux.

Deborah Feldman
Deborah Feldman

Le poids des mots

Le chemin reste encore long à parcourir pour changer cette vision, enracinée dans la société depuis des millénaires. Mais un premier pas est de commencer par changer le langage qui décrit les violences sexuelles faites aux femmes aujourd’hui, explique Leyla Hussein. « Il ne s’agit pas des mutilations génitales féminines, assène-t-elle, ce sont des crimes sexuels sur des enfants. De même qu’un viol n’est pas « marital ou conjugal » et que la violence ne sera jamais « domestique ». Il faut appeler un chat un chat. »

Avec ce film j’espère que ces cinq femmes pourront inspirer les filles et les femmes
du monde entier à explorer leur propre corps, à avoir le courage de parler avec leurs
partenaires de leurs souhaits et à se dresser contre les dogmes religieux, culturels et sociaux
qui leur disent encore qu’elles ne comptent pas.”

Barbara Miller, réalisatrice de #Female Pleasure

Toutes pour une !

Leyla, Vithika, Doris, Deborah ou Rokudenashiko, chacune, à leur échelle et selon leur propres moyens, luttent pour un monde où les femmes auraient un pouvoir égal aux hommes, où elles pourraient jouir du même plaisir sexuel que les hommes, et où elles auraient enfin le droit d’être maîtresse de leur propre corps. #Female Pleasure est dur, certes, mais il est avant tout porteur d’espoir : il est possible de mettre fin à cette injustice fondamentale qui voudrait que le corps féminin soit soumis au bon vouloir des hommes. En s’inspirant de ces cinq femmes. En élevant la voix. En revendiquant le plaisir féminin haut et fort, encore et toujours.

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