La mini-série Icon of French Cinema, écrite et réalisée par Judith Godrèche et diffusée sur Arte, est un pavé dans la mare, qui éclabousse tout le milieu du cinéma français. Cette fiction autobiographique à l’humour fantasque, met sous les projecteurs la violence de son adolescence v(i)olée par le réalisateur Benoit Jacquot. C’est alors toute l’industrie du cinéma français dont le masque complice tombe. Un #MeToo du Cinéma, qui donne encore une fois envie de se lever et de se casser. Sans plus jamais la fermer.
Une série qui dénonce l’emprise et la pédocriminalité
Icon of French Cinema est une comédie inspirée de la vie de Judith Godrèche, dont elle tient le rôle principal. Ancienne « icône du cinéma français », exilée à Los Angeles, on la suit dans sa tentative de comeback en France, tout en devant gérer seule l’éducation de sa fille adolescente (jouée par Tess Barthélémy, sa vraie fille dans la vie). L’action est entrecoupée de flashbacks de son adolescence, où elle découvrait l’univers misogyne du cinéma, qui l’a abandonné dans les griffes d’un réalisateur manipulateur. Il faut mentionner également dans l’intrigue, la relation du personnage de Judith, avec sa femme de ménage philippine (Gina Cailin), qui subit le contrôle d’un homme, qui lui fait du chantage. Cette relation offre de tendres moments de sororité.
Judith Godrèche réussit le pari osé de dénoncer l’horreur et extérioriser un traumatisme, sur un ton léger, ponctué de nombreuses scènes comiques. Malgré le masque humoristique, on ne peut s’empêcher de lire le visage sombre du patriarcat à travers toutes les scènes. La série dérange et c’est tant mieux. Comment être à l’aise devant l’histoire d’un réal’ de 40 ans qui instaure une vie maritale avec une gamine de 14 ans ?
#MeToo Cinéma, le système de prédation du cinéma français sous les feux des projecteurs
C’est en faisant la promotion de la série Icon of French Cinema que Judith Godrèche finit par révéler explicitement l’emprise dont elle a été victime, par le réalisateur français Benoit Jacquot.
C’est à travers la promotion de cette série, à travers les femmes que je rencontre, à travers la génération même de ma fille et celle d’Alma Struve – qui joue mon rôle enfant dans la série – qu’à travers elles, ce qu’elles perçoivent et ce qu’elles comprennent, et aussi leur perception du consentement que dans le fond quand je me regarde, qu’il y a une forme de prise de conscience qui m’émeut.
Judith Godrèche, sur le plateau de l’émission Quelle Epoque, présentée par Léa Salamé en décembre 2023
Une pensée obsède en regardant Icon of French Cinema : comment a-t-on pu laisser exister publiquement cette « relation » pédophile ? Pourquoi personne n’a rien dit dans le milieu du cinéma, ni aucun adulte autour d’elle ? Des dérives pédophiles normalisées, voire encensées, dans un monde où les réalisateurs se rêvent en Pygmalion.
Certaines images de Benoit Jacquot, dont cette interview dans un documentaire de Gérard Miller « L’interdit, les ruses du désir », sorti en 2011 sont effarantes. « En principe je n’avais pas le droit, je ne crois pas. Mais ça alors, j’en avais rien à foutre et même, elle, ça l’excitait beaucoup je dirais », raconte en toute détente et avec fierté Benoît Jacquot, en évoquant sa relation avec Judith Godrèche. D’ailleurs, le psychanalyste Gérard Miller est actuellement accusé d’agressions sexuelles par plusieurs femmes, dont il aurait abusé sous hypnose.
Judith Godrèche a porté plainte contre Benoit Jacquot pour « viols avec violences sur mineur de moins de 15 ans », ainsi que contre le réalisateur Jacques Doillon pour « viol sur mineur », sur le tournage du film « La fille de 15 ans ». Les actrices Isild Le Besco et Anna Mouglalis accusent également ce dernier d’agressions sexuelles, selon des révélations du Monde en février 2024.
Dans la même veine, le parquet de Paris vient de requérir le renvoi devant le tribunal correctionnel du réalisateur Christophe Ruggia, pour agressions sexuelles sur mineur de 15 ans par personne ayant autorité sur Adèle Haenel.
Désormais, on se lève, on se casse et on ouvre notre gueule. Merci à toutes ces femmes qui osent parler, qui affrontent ces prédateurs, qui ont le courage de braver l’opinion publique et la justice, d’aller au delà de leurs peurs et traumatismes. En parlant pour elles, elle parlent pour nous toutes. Pour qu’ensemble, on fasse tomber le patriarcat. Pour que la peur change de camp. #MeToo est toujours vivant.