Les illustrations de Rita Renoir montrent un univers plein de féminité, d’érotisme et de tendresse. Son coup de crayon est fin, telle une caresse sur papier, à l’image de la sexualité délicate et assumée des personnages féminins qu’elle représente. Le rouge et le noir de ses dessins s’accordent avec le blanc, pour nous offrir des illustrations érotiques empreintes de métaphores et de sensualité.
Qui es-tu Rita Renoir ?
Quarantenaire quelque peu vagabonde, « montmartroise » et discrète noctambule. J’aime raconter des histoires pas si sages pour les grands enfants. J’ai toujours plus ou moins travaillé dans un contexte artistique.
Depuis fort longtemps, je rêvais de faire de l’illustration sans réellement me l’avouer. Je me suis finalement lancée dans cette passionnante aventure depuis 2015 sous le pseudo de Rita Renoir. Depuis, je navigue dans le milieu un peu underground des artistes qu’on dit émergents, entre expositions érotiques et/ou féministes et publications dans des fanzines et livres d’arts.
Comment décrirais-tu ton univers d’illustratrice ?
Sensuel, intime, poétique, doucement provoquant. Je navigue entre clarté et obscurité, au gré de mes observations et interrogations du moment.
Les femmes sont au centre de mon travail. Au départ ce fut de manière inconsciente, puis progressivement un choix pleinement assumé. J’aime me définir comme illustratrice d’intimités féminines plus que d’érotisme, même si je le frôle régulièrement du doigt.
Je travaille souvent par série de dessins dans le but de mieux explorer mes sujets. J’ai ainsi beaucoup dessiné autour de la solitude et de la résilience, mais également dans des univers plus fétichistes avec beaucoup d’illustrations de pieds, ou une recherche autour de la lumière rouge que j’ai appelée « Redlight district », en référence au célèbre quartier d’Amsterdam.
Et enfin une série assez provocatrice sur les rituels féminins où j’invite le spectateur à observer comme par le trou d’une serrure les petits gestes quotidiens féminins, réels ou fantasmés. Je crois que dessiner a d’abord été pour moi une manière de m’expliquer le monde afin de mieux l’appréhender.
Pourquoi ce choix de couleurs et quelle symbolique leur donnes-tu ?
Le noir et blanc s’est rapidement imposé à moi. Quand j’ai repris le dessin, j’avais l’impression d’entrer en territoire inconnu. Je voulais faire quelque chose de totalement différent de ce que j’avais pu produire avant. Travailler volontairement dans un univers très dépouillé en jouant avec lignes et contrastes a été une manière de réapprendre à dessiner en allant à l’essentiel. Ensuite, très vite, j’ai ajouté de petites touches de rouge pour souligner certains détails, les mettre en valeur.
Historiquement ces trois couleurs ont été les toutes premières à être maîtrisées et utilisées. Elles renvoient à des sentiments d’ordre primaire : obscurité et clarté pour le noir et le blanc, le feu ou le sang pour le rouge. C’est pour cette raison que je les trouve si intéressantes symboliquement en matière d’érotisme. Bien utilisées elles sont d’une efficacité redoutable pour titiller l’imaginaire fantasmatique des spectateurs.
Où puises-tu ton inspiration ?
Il y a d’une part la dimension personnelle que j’insuffle, mais également ce que je puise ailleurs, souvent par association d’idées. Je suis assez attentive à mon environnement, que ce soit sur les réseaux sociaux, à travers les expos que je fréquente ou les recherches que je mène sur des thématiques qui m’intriguent. Parfois juste une bribe de conversation, un article, peuvent déclencher l’amorce de l’idée.
J’aime particulièrement l’emploi des figures de style comme les métaphores. J’y trouve une forme de liberté. En s’appuyant sur des textes poétiques on peut transformer un phallus en sucre d’orge, parler du sexe féminin comme d’un nectar qu’on déguste, d’un coquillage, ou d’une fleur à butiner.
Qu’est-ce qui est le plus dur et le plus beau dans le métier d’illustratrice ?
Le plus beau c’est toujours d’arriver à transmettre des messages, des questionnements, des sentiments. C’est à la fois extrêmement gratifiant et parfois même un peu vertigineux de sentir qu’on a réussi à toucher un point sensible. Je me dis alors que je n’ai pas totalement perdu mon temps.
Le plus dur quand on s’oriente vers une carrière artistique c’est de parvenir à faire comprendre qu’il s’agit bien d’un vrai travail. Beaucoup de personnes ont du mal à accepter l’idée de « métier-passion ». Elles imaginent que le salaire est quelque chose de totalement superflu. Le fait de dessiner de l’érotisme en raoute une couche, pour faire comprendre qu’il s’agit d’un vrai travail sérieux et exigeant.
Au quotidien, montrer des dessins érotiques en tant que femme c’est être confrontée en permanence à certains préjugés. Il faut apprendre à rester très ferme devant les réactions inappropriées qui vont de la drague lourdingue, jusqu’aux insultes quand on ne répond pas aux avances. Je ne compte plus les questions totalement indiscrètes à propos de ma sexualité, de mes pratiques, de mon orientation.
Je montre de l’intimité, du désir féminin, une forme de liberté assumée dans mes illustrations, mais ce n’est pas pour autant que je me sens obligée de répondre aux avances de n’importe qui.
Un sort est jeté, tu n’as le droit garder qu’un seul de tes dessins, lequel serait-il et pourquoi ?
Je choisirais probablement le dessin Sale, parce que, malgré les défauts que je lui trouve maintenant, il a été libérateur et formateur sur plusieurs plans. Même si cela reste toujours un sujet tabou, il devient de plus en plus courant d’aborder le sujet des menstruations dans le domaine de l’illustration et de l’art en général. J’ai vraiment pris le temps de tourner et retourner le sujet dans ma tête parce que je souhaitais en donner la vision la plus poétique et positive possible.
Une anecdote à partager sur ta profession d’illustratrice érotique ?
Quand une illustration semble rencontrer son public, en particulier sur Instagram, il y a toujours ce moment où les gens vont se mettre à papoter entre eux en oubliant totalement que l’artiste est toujours là. Cela me fait toujours un peu bizarre, mais ça me fait également bien rire quand je surprends malgré moi des conversations un peu osées d’amoureux émoustillés, qui se chauffent dans les commentaires.
Si ta sexualité était une oeuvre d’art, comment la nommerais-tu ?
La Mourre. C’est un jeu de hasard, une variante du chifoumi. Il consiste à deviner la somme du nombre de doigts dressés quand les deux joueurs présentent simultanément leur main. La victoire, en réalité, ne tient pas tant au hasard qu’à la capacité de deviner son adversaire. Dans la sexualité, pour moi, c’est un peu pareil : c’est ce savoir être à l’écoute de son partenaire qui détermine souvent les jeux les plus enflammés…
Instagram : https://instagram.com/ritarenoir