Etre sex addict ou hypersexuel-le, qu’est-ce que cela signifie exactement ? Est-ce qu’avoir très souvent envie de faire l’amour et multiplier les conquêtes implique forcément hypersexualité ? En fait, c’est loin d’être aussi simple que ça. Nous avons interrogé la sexothérapeute et sexperte du jour, Nathalie Giraud.
Comment se définit l’hypersexualité ?
L’hypersexualité est un mot très spécifique qui désigne une sexualité compulsive. C’est un trouble du comportement où la sexualité apparaît comme un moyen de calmer son angoisse profonde. On parle d’hypersexualité quand le comportement sexuel adopté implique des conséquences négatives sur le plan social. La personne est capable de se mettre en danger dans le seul but de rechercher sa dose de « plaisir ».
Si je sens que j’ai des besoins sexuels supérieurs à la moyenne, suis-je une personne hypersexuelle ?
Il ne faut pas faire l’amalgame entre une personne hypersexuelle et une personne ayant des besoins sexuels importants. Une personne peut avoir plus souvent envie de faire l’amour que son partenaire et se sentir mal à cause de ce décalage, mais cela ne suffit pas à la considérer hypersexuelle. Si j’ai un désir supérieur à mon partenaire, mais que durant l’acte et après l’acte je me sens satisfait-e, cela n’a clairement rien à voir avec de l’hypersexualité. Une personne hypersexuelle fait face à un désir constant qu’elle ne contrôle pas et qui ne lui apporte aucun plaisir, même lorsqu’il est comblé. C’est dans la notion de plaisir que se situe essentiellement la différence : une personne qui aime simplement beaucoup le sexe sera satisfaite quand elle comblera son désir. L’hypersexuel-le ne ressent jamais de satisfaction.
Une personne hypersexuelle est-elle donc nécessairement malheureuse ?
Oui et non. Une personne hypersexuelle ne vit pas nécessairement mal son manque constant de sexe. Si on regarde la série Californication par exemple, le personnage principal Hank Moody ne voit pas cela comme un problème au départ. Il se dit plutôt « je baise car j’ai besoin de baiser et puis c’est tout ». L’hypersexuel ne voit pas forcément le lien entre son mal-être et sa sexualité compulsive. Pourtant, il y a bien une souffrance profonde qui se matérialise dans l’addiction sexuelle et qui crée souvent des dommages collatéraux (dépressions, impossibilité d’être dans des relations de couple durables, perte de son emploi…). La personne hypersexuelle a un besoin de connexion permanent avec l’autre, un besoin d’être toujours rassuré narcissiquement. Les multiples conquêtes de l’hypersexuel vont être là pour le rassurer sur son image.
Deux personnes hypersexuelles peuvent-elles être en couple ?
Cela n’est pas possible, car un hypersexuel utilise uniquement l’autre comme objet pour calmer ses angoisses. Il n’est pas dans le désir de partage comme le nécessite un couple. Dans l’hypersexualité, autrui est juste là pour me servir de dose de shoot.
L’hypersexuel vit donc le sexe comme une drogue ?
Oui. Comme avec la drogue, un moment de bien-être a soulagé le mal-être au début, mais ne l’a pas supprimé. Alors, on va recommencer de manière boulimique pour tenter de retrouver à chaque fois cette sensation de soulagement. Comme avec la drogue, l’hypersexuel en veut toujours plus, donc il augmente la dose constamment, tandis qu’en parallèle la satisfaction est de moins en moins présente. C’est là qu’on entre dans le cercle vicieux : j’éteins le feu de mon angoisse avec le sexe –> je culpabilise de mon action –> cela provoque une nouvelle angoisse –> je répète donc mon action –> addiction.
Y a-t-il des différences entre les hommes et les femmes atteints d’hypersexualité ?
Une des difficultés avec l’hypersexualité est d’accepter que cela puisse être un problème. Cela crée un vrai sentiment d’isolement. Le sexe est vu comme une activité récréationnelle, donc cela fait sourire que quelqu’un ait « trop » de rapports sexuels.
Pour un homme, cela sera même valorisé et valorisant. Un homme hypersexuel pourrait avoir tendance à se vanter d’avoir « trop besoin de sexe », « trop de conquêtes », de « ne pas avoir pu s’empêcher d’en sauter une encore » etc. L’image classique du Don Juan. Une femme elle, sera plutôt dite nympho. Par conséquent, on remarque que les femmes utilisent moins l’hypersexualité comme palliatif à la souffrance comparé aux hommes. Il est plus difficile vis-à-vis du regard de la société d’être une femme hypersexuelle, mais il est plus difficile pour un homme de sortir de cet état à cause du regard admiratif dont il peut bénéficier.
Comment peut-on guérir de l’hypersexualité ?
Le premier pas est de reconnaître qu’il y a une réelle souffrance. Ensuite, il faut tenter de trouver des formes d’expression différentes, repenser sa façon de vivre (en se mettant à pratiquer un sport, à faire du théâtre par exemple…). Il faut trouver des moyens d’expression qui reconditionnent le corps, le reprogramment. Consulter un-e spécialiste peut également aider.
Nathalie Giraud est sexothérapeute et fondatrice du site Piment Rose. Elle organise régulièrement des ateliers liés au bien-être dans la sexualité.