Le pitch de Mystère et boules de geisha : la narratrice est l’autrice, elle est lesbienne. Elle relate les périgrinations de Patricia, sa copine hétéro, qui est apparemment irrésistiblement belle et visiblement assoifée de sexe. Le roman autobiographique (les personnages étant censés être réels, leurs noms modifiés…) relate donc deux histoires : celle de Patricia qui enchaîne les aventures sexuelles, et celle de Sasha qui se consume de désir pour Patricia, tout en travaillant sur le roman des histoires de Patricia. Vous suivez ?
Ma lecture de Mystère et Boules de Geisha : une excitation qui monte crescendo
Je ne suis pas rentrée dedans tout de suite (je vous épargne le jeu de mot que Sasha se permettrait ici) : à la page 39 je n’étais toujours pas excitée… mais, page 46 je suis montée dans les tours ! Ensuite, chapitre après chapitre, les grands volets d’une sexualité libérée sont déroulés (dépucelage, rencontre via appli, découverte du squirting, soirée SM, etc.), avec une envie irrépressible de me masturber à la fin de chaque chapitre.
Le livre m’a donné envie de découvrir des pratiques qui me semblaient jusqu’à présent accessoires ou dé-priorisées. L’écriture est suffisamment bien documentée et juste, pour nous présenter ces expériences pour ce qu’elles sont : une source de plaisir pour la protagoniste. Ce n’est donc pas étonnant que ça m’ait également motivée à découvrir tout ça aussi.
La mise en abyme est un choix osé pour un roman pornographique et peut être intéressante si bien faite. Je vais être franche : le style littéraire n’est pas du niveau d’Anaïs Nin selon moi, mais rien n’est mauvais. Si ce n’est l’humour à base de jeux de mots un chouia beauf de l’autrice, qui m’a pas mal dérangée. Exemple de jeux de mots “ça me dit, même dimanche”…
Le plaisir féminin décomplexé au centre du récit
Mais, tout ça est vite excusé car Mystère et boules de Geisha est un roman pornographique déconstruit. Je m’explique : le plaisir féminin est au centre du récit. Celui que prend Patricia à chacune de ses rencontres (la jouissance masculine étant secondaire, voire absente dans certains cas), celui que l’autrice fantasme d’avoir avec Patricia aussi.
Le désir sexuel insatiable de Patricia n’est jamais jugé ou source de culpabilité (même quand l’autrice se surprend à la juger, elle se ravise de suite). Patricia elle-même ne comprend même pas comment c’est encore possible de juger une femme sur le nombre de ses conquêtes.
La conquête du sexe de Patricia n’est à aucun moment freinée ou remise en question par manque de sûreté. Dit autrement, Patricia n’a pas du tout (et tant mieux pour elle) intériorisé la menace latente des hommes prédateurs.
Des parenthèses pornographiques, avec des messages engagés
Les discours autour des moments porno (oui, il y en a un peu pour “remplir les pages” comme le dit l’autrice) sont également très engagés :
- l’ennui intersidéral dans la plupart des couples hétéro et les ravages de la fidélité
- un plaidoyer pour la libération (pas que sexuelle) de la femme, qui peut se réaliser au-delà de la maternité
- la tolérance comme clé d’une vie en société de qualité
- la reconnaissance du travail invisible des femmes qui sont tout à la fois femme de ménage / nounou / gestionnaire / psy / amante / etc.
“Le couple, c’est la mort de tout, c’est l’étouffement, la prison sentimentale.”
Mystère et boules de geisha, Sasha Tamouyé
Si vous faites partie de ces personnes qui ont bien débuté la déconstruction du rapport au sexe, au tabou et à toute la gêne qui nous est inculquée autour du sujet, vous trouverez peut-être que ce roman enfonce quelques portes déjà ouvertes. Mais dans le cas contraire, foncez chez votre libraire vous payer LE roman cul du moment (pour vous ou quelqu’un de votre entourage qui en a besoin, nous savons qu’il y en a plein) !
Nous avons grandement besoin de nourrir notre cerveau et notre imaginaire de fantasmes qui ne sont ni dégradants pour la femme, ni culpabilisants pour nos désirs et nos plaisirs.
C’est exactement ce que Sasha Tamouyé réussit à écrire. Merci pour ça !
À découvrir pour 19,90€ aux Editions JHD.