Je ne porte plus de soutien-gorge depuis de nombreuses années. Je suis en full no bra, si bien que désormais je n’arrive plus à porter de soutien-gorge. Libération absolue de mes seins et de mes tétons ! C’est venu naturellement et franchement, ça fait un bien fou !
Le soutien-gorge : moyen de contrôler le corps des femmes ?
Durant l’Antiquité grecque, la silhouette de la femme est volontairement androgyne et les petits seins sont plus appréciés que les gros. Par conséquent, le sous-vêtement est utilisé pour gommer la féminité avant tout. Ainsi, les femmes portent l’apodesme, un bandage qui forme une ceinture sous la poitrine pour la maintenir et les jeunes filles portent le mastodeton, un ruban qui ceigne la poitrine pour empêcher la croissance du sein.
À partir du Moyen-Age, la poitrine est mise en avant, valorisée, voire débordante du fait de robes qui rehaussent le sein. Le corset aura ensuite la côte du XVe au XXe siècle, d’abord fait de bois puis de métal. Autant dire que cela devait être particulièrement désagréable, voire douloureux de se mouvoir avec, et pourtant il aura perduré durant environ 400 ans.

C’est à partir de 1889 qu’apparaît l’ancêtre de notre soutien-gorge, à l’Exposition universelle de Paris. Présenté par Hermine Carolle, il s’agit d’un corset en deux morceaux qui s’arrête sous la poitrine, mais qui ne rencontrera pas beaucoup de succès. Avec la révolution sexuelle des années 1970, les femmes rejettent le soutien-gorge. Aujourd’hui, le soutien-gorge et notamment « le push-up » ont pris d’assaut les magasins et nos tiroirs.
Faire un bref retour historique sur le soutien-gorge montre qu’il a d’abord été pensé comme un moyen de contraindre et de contrôler le corps de la femme. Il répond à des attentes masculines, avec un besoin de façonner le corps de la femme selon les goûts érotiques de chaque époque.
On a souvent entendu dire que le soutien-gorge est un moyen d’empêcher les seins de tomber, et de permettre un meilleur maintien de ceux-ci. Ainsi, ce serait un objet bon pour la santé avant tout. Cela n’est pas prouvé scientifiquement, mais en plus quand on fait une rétrospective historique, il est permis d’en douter.
Pourquoi porte-t-on des soutiens-gorge ?
- Pour cacher nos seins
Quand ma poitrine a commencé à pousser vers 11-12 ans, je me sentais très mal à l’aise. Je n’aimais pas entendre les réflexions de l’entourage familial à base de « tu deviens une femme ». Je n’aimais pas non plus les regards insistants de mes camarades masculins sur mes deux tétons visibles. Mon mini-moi se disait « Je suis encore une enfant, et en plus je suis un garçon manqué, alors je n’en veux pas de ces seins qui changent le regard de tout le monde sur moi ! »
Finalement, j’ai supplié ma mère de m’acheter des brassières, afin de cacher mes tétons sous les vêtements. En tant qu’adulte, j’ai ensuite rencontré des femmes aux poitrines très généreuses, qui portent un soutien-gorge, dans l’optique de camoufler en partie leurs seins. Aussi bien pour empêcher qu’ils ne bougent trop, ou pour limiter la douleur, mais aussi pour éviter les regards trop insistants des hommes.
- Pour montrer nos seins
Au milieu des années 60, le « push-up » voit le jour au Canada et n’a toujours pas perdu en popularité. Petits ou gros seins, nombreuses sont les femmes à céder à l’appel du soutif rembourré, pour augmenter visuellement la taille des seins et leur donner plus de rondeur.

- Pour des raisons esthétiques
La publicité nous harcèle d’images de femmes en soutien-gorge, passant le message qu’il offre beauté et sensualité. Les hommes rêvent de femmes Aubade et les femmes veulent être des femmes Intimissimi. On veut plaire, alors on se conforme à l’image de beauté qui nous est présentée. Le soutien-gorge est devenu l’emblème du sous-vêtement féminin et nous avons intégré qu’il faut en porter un pour séduire.
- Parce que c’est la norme
On porte avant tout un soutien-gorge, parce qu’on nous dit dès l’enfance qu’on va en porter. On voit les autres femmes autour de nous en mettre, et on intègre qu’ainsi va la condition féminine. Faire autrement semble une atteinte à la pudeur, alors on se conforme gentiment comme des soldats.
Et puis, cela ne coûte pas tant que ça, non ? Alors pour le portefeuille, si un peu quand même. Et pour nos poitrines, ça ne leur fait pas forcément du bien. Ce n’est pas cool non plus pour la confiance en soi (le soutif n’a jamais la bonne taille, jamais la bonne forme, on s’inquiète sur l’apparence qu’il donne à nos seins etc.). Au sujet des femmes et leur regard sur les seins, lire Seins, en quête d’une libération de Camille Froidevaux-Metterie.

Et ça fait quoi de vivre en « no bra » ?
Tout d’abord, ça fait économiser de l’argent. Il faut dire la vérité, ce n’est pas donné de s’acheter des sous-vêtements, et encore moins si on essaie de s’acheter de la lingerie raffinée.
Ensuite, c’est un sentiment d’oppression en moins et un gain de confiance en soi. Comme je vous le disais plus haut, j’ai commencé à mettre un soutien-gorge, par complexe vis-à-vis du regard extérieur. Ensuite, j’ai porté beaucoup de « push-ups » par complexe de la petite taille de mes seins.
Retirer le soutien-gorge a été une façon pour moi de m’assumer complètement. J’assume mes seins, ce qu’ils représentent, leur taille et qu’ils font partie de moi à part entière. Je n’ai plus envie de les cacher, je m’en fiche royalement si les tétons apparents sous le tee-shirt en dérangent certain.e.s, j’assume qu’ils soient sexualisés.
Personnellement, je me sens juste libre. Rien que le fait de d’agrafer et dégrafer ce bout de tissu sur nos poitrines, c’est un signe d’enfermement quand on y pense. Maintenant je ne m’en soucie plus. Mes seins respirent librement sous le vêtement. Le no bra est un vrai sentiment de liberté et d’acceptation de mon corps tel qu’il est. Cependant, j’ai conscience que mon petit 90a est probablement aussi un avantage pour le vivre bien. Mes seins ne sont pas lourds, donc je n’ai pas de problèmes de dos. Ils sont plus invisibles sous un vêtement même moulant, que pour une femme à la poitrine généreuse, donc je suis un peu moins sexualisée automatiquement par les regards.
Retirer le soutien-gorge, quel est le déclic ?
Le déclic s’est fait durant un tour du monde de presque deux ans. Sous la chaleur humide de l’Asie du Sud-est, avec mon backpack sur le dos et les nombreux déplacements, j’ai senti que mon soutien-gorge me dérangeait plus qu’autre chose. J’avais les seins transpirants, mon soutif me collait, me grattait en fin de journée, me donnait un sentiment d’étouffement, alors j’ai naturellement cessé d’en mettre. Et là, révélation ! C’était tellement mieux ainsi. En plus, je me trouvais finalement plus jolie, plus sexy, plus à l’aise, mieux dans ma peau. Depuis, je n’en ai plus jamais porté. Excepté à de rares occasions, pour ajouter une touche sexy dans un moment intime. Paradoxe ou non, je trouve mon corps bien plus sexualisé avec un soutif que sans.

No bra, un acte féministe ?
Je n’ai pas pris cette décision en me disant que c’était un acte féministe. C’était soudainement plus naturel de ne pas en porter. Mais oui, le no bra est féministe.
Je trouve qu’on ne devrait forcer aucune femme à en porter ou à ne pas en porter. C’est un choix qu’on peut décider pour soi. Cependant, il faut reconnaître qu’historiquement le sous-vêtement féminin n’est pas émancipateur et qu’aujourd’hui encore, il impose des diktats sexistes.
La poitrine de la femme est très érotisée, et sa perception par la société complexe et contraint un certain nombre de femmes. Un compte Facebook ou Instagram peut être censuré s’il ose montrer des tétons, alors que des photos d’homme torses nus ne posent aucun problème. Il y a une hypocrisie ambiante à l’égard du sein, qui frise le ridicule. Comme le dénonce le mouvement Free The Nipple, des images de violence inouïes peuvent être valorisées dans les médias et au cinéma, mais des images de seins seront censurées. Cherchez l’erreur. Dans ce contexte, décider de ne plus porter de soutien-gorge est éminemment un acte féministe.