La recherche de l’orgasme perdu semble être la quête ultime d’une relation sexuelle. À coups de statistiques, on nous assène partout que la femme ne jouit pas assez alors que son organe du plaisir est bien là lui, le clito ! Côté hommes, l’orgasme prostatique commence lui aussi à se faire entendre. Tout ceci est utile à mettre sur la table, mais avant de pleurer sur son sort de ne pas être une machine à jouir ou de ne pas jouir mieux, encore faut-il accepter de prendre du plaisir sexuel, de savoir le reconnaître et l’apprécier.

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On peut jouir sans jouir

Jouir, c’est « éprouver de la joie, du plaisir, un état de bien-être physique et moral procuré par quelque chose » selon la définition du CNRTL. Cette définition me semble être parfaitement adaptée à la jouissance sexuelle. Il ne s’agit pas uniquement d’ »atteindre l’orgasme » derrière le mot jouir, mais de ressentir du plaisir pendant l’acte sexuel.

Faire l’amour ne doit pas être une course pour la performance, avec des scores à atteindre, des suivis d’évolution et des points bonus gagnés à chaque étape franchie. Si on souhaite mesurer ses performances sportives, qu’on s’en tienne au running et qu’on laisse la sexualité en dehors de ce monde-là !

Si les femmes ont eu tendance à ne pas assez se poser la question de leur insatisfaction vis-à-vis de l’orgasme, ce n’est pas une raison pour aujourd’hui entrer dans une obsession toxique à ce sujet. Cette question de la jouissance paroxystique ne peut être intelligemment abordée sans insister avant tout sur les notions de désir, de plaisir. Il faut aimer le plaisir, aimer faire l’amour, aimer les sensations du sexe, pour réussir à atteindre mais aussi à pleinement apprécier l’orgasme.

Il est erroné de penser qu’un acte sexuel réussi ne s’évalue que selon le prisme de l’atteinte de l’orgasme. Faire l’amour, c’est d’abord un moment de partage entre deux individus et deux corps (ou plus selon vos habitudes sexuelles). Les voyageur-ses connaissent tous-tes très bien cette citation de Robert Louis Stevenson :

« L’important, ce n’est pas la destination, mais le voyage en lui-même ».

C’est une citation qu’on devrait se répéter inlassablement pour la sexualité également. Le problème récurrent en matière d’insatisfaction sexuelle, c’est que même le voyage est une torture. Il n’y a aucun plaisir pris tout au long du road trip : du début à la fin, rien de positif ne se passe. Il n’y a qu’ennui, erreurs, incompréhensions, mal-être ou sentiment de juste accomplir un « devoir conjugal ». Quand un voyage se passe mal, même si la destination est un lieu magnifique, une fois arrivé-e on a juste envie de se cacher dans son lit et de dormir, épuisé-e et dégoûté-e.

A contrario, si vous avez pris un plaisir infiniment grand pendant que vous faisiez l’amour, que le moindre baiser de votre partenaire, ses caresses, ses mouvements, son attention, la fureur dans laquelle vous étiez ensemble, la complicité et la connexion entre vous vous ont fait tourner la tête, c’est déjà de la jouissance, qu’il y ait eu orgasme ou non.

On peut jouir d’un rapport sexuel sans un orgasme, mais aussi avoir un orgasme sans avoir vraiment ressenti d’extase durant l’acte. 

Certaines femmes connaissent parfaitement les mécanismes physiques de leur corps, les positions et la manière de faire qui leur procurera un orgasme quasi systématiquement. Elles sont donc capables d’avoir un orgasme rapidement, de façon mécanique, sans que ce soit une preuve irréfutable qu’elles ont pris leur pied pendant le reste de l’acte.

Ne culpabilisons pas face à la difficulté « d’orgasmer »

Une des marques célèbres qui propose des stimulateurs clitoridiens, Womanizer, a comme devise « Orgasm is a Human Right » (Traduction : l’orgasme est un droit humain). Il est indéniable que la capacité à avoir des orgasmes avec son ou sa partenaire est un signe que votre sexualité vous procure de la satisfaction. C’est le signe que vous êtes avec quelqu’un avec qui vous prenez du plaisir, et qui est en théorie à votre écoute sexuellement. Tout le monde a droit à l’orgasme, au déchaînement physique et mental qu’il crée en nous et au sentiment de plénitude qui suit cet instant.

Cependant, restons lucides et n’oublions pas que chaque relation sexuelle, même avec un partenaire similaire, est unique et qu’il n’y a pas de raison de culpabiliser si on n’atteint pas l’orgasme à chaque fois. Rappelons que côté masculin, un homme qui éjacule n’a pas forcément eu un orgasme non plus. Les deux ne sont pas nécessairement liés. Il n’y a donc pas d’un côté l’homme qui jouit constamment et la femme qui ne jouit presque jamais (dans le cas de relations hétérosexuelles). Le vrai problème derrière ce phénomène de l’éjaculation, c’est qu’il a tendance à signer systématiquement la fin de la relation sexuelle, même si la femme a le désir de continuer et aimerait prendre encore un peu plus de plaisir.

Une relation sexuelle réussie ne se résume pas qu’au sexe

Le phallocentrisme pluriséculaire des relations hétérosexuelles est au cœur de l’insatisfaction, car il institue que sans pénis en érection, il ne peut y avoir de sexualité. Or, les doigts, la bouche ou les sextoys peuvent être tout aussi efficaces pour apporter du plaisir à sa partenaire avant, pendant et après une éjaculation. Le sexe n’est pas uniquement l’affaire du plaisir des hommes et c’est avant tout de cela qu’il faut bien se rappeler.

femme triste à côté de son mari

Par ailleurs, une relation sexuelle réussie ne se résume pas qu’au sexe. L’affection, la complicité, l’envie, les mots doux ou les mots crus échangés, l’importance que vous accordez à cette relation, votre écoute mutuelle, le degré d’amour entre vous… il y a tellement d’éléments qui rentrent en compte dans la sexualité et qu’il ne faut pas négliger au profit du seul orgasme.

L’absence d’orgasmes dans des relations amoureuses est rarement uniquement votre faute ou celle de l’autre. Cela peut être dû à un manque de communication entre vous, à des blocages, à des difficultés à se comprendre, à trop d’individualisme. Cependant, ne pas arriver à avoir d’orgasme ne doit pas donner naissance à un désir d’auto-flagellation. Tout d’abord, toutes les femmes ne jouissent pas de la même façon, ni pour les mêmes raisons ou selon les mêmes stimulations, comme le rappelle le projet féministe OMG YES.

Vous savez désormais que le clitoris est aussi bien présent à l’extérieur de la vulve qu’à l’intérieur du vagin, et qu’il est aussi bien lié à l’orgasme dit clitoridien que celui dit vaginal. Cependant, certaines femmes arriveront plus facilement à jouir via une pénétration vaginale et d’autres plus facilement via un cunnilingus, et cela peut évoluer en fonction des partenaires. Il faut comprendre que la sexualité n’est pas une science exacte !

Illustration de Mathilde Angevin
Dessin de la Mother of Clito par l’illustratrice Mathilde Angevin

Un des risques de l’obsession de l’orgasme est de dévaloriser une relation sexuelle qui était satisfaisante, sous prétexte qu’elle n’a pas mené à l’orgasme. 

On peut prendre énormément de plaisir durant la pénétration, durant l’ensemble de l’acte sexuel, et que celui-ci se termine sans orgasme. Si cela ne génère pas de frustration et qu’on se sent bien ensuite, satisfaite, alors tout va au mieux dans le meilleur des mondes. L’orgasme n’est pas une fin en soi et pourra toujours être au rendez-vous une autre fois. Il faut bien faire la part des choses entre des relations sexuelles qui sont globalement toujours insatisfaisantes, sans jamais un seul orgasme, sans aucun plaisir tout court (ou très très peu), et des relations sexuelles qui procurent beaucoup de plaisir mais ne mènent pas toujours à cet état de jouissance extrême.

Cas particulier, mais qu’il est nécessaire d’énoncer, la difficulté à avoir des orgasmes peut aussi être due à un trouble comme l’anorgasmie. À ce sujet, vous pouvez lire notre article « Je n’ai jamais eu d’orgasme, suis-je frigide ? « 

Apprendre à aimer pour mieux jouir

Le compte Instagram très populaire @tasjoui est parti d’un constat simple et partagé par beaucoup de femmes : les mecs aiment bien poser cette question après le sexe, alors que la réponse est dans la question. Si tu la poses, c’est que la réponse est non.

Maintenant que la lumière a été mise sur cette réalité, ne nous arrêtons pas en si bon chemin et creusons plus loin la réflexion pour que le plaisir soit réellement au rendez-vous pour tout le monde.

C’est essentiel qu’hommes et femmes se posent la question de l’orgasme, mais surtout de la jouissance d’un point de vue général. Prendre son pied, cela s’apprend, se travaille, se conscientise. Osez explorer tous les possibles de la sexualité, sans préjugés, avec l’envie de partager et découvrir.

C’est plus facile de pointer les défauts des autres et de ne pas s’interroger sur le rôle qu’on joue soi-même dans notre insatisfaction. Il vous a mis une fessée et ça ne vous excite pas du tout ? Surtout ne gardez pas cela pour vous et communiquez vos penchants. Les non-dits au lit font partie des pires erreurs à commettre et finissent souvent par de vrais sentiments de frustration. Osez-vous toucher votre propre corps, afin de comprendre par vous-mêmes ce qui vous anime, en matière de fantasmes et de sensations ? 

La masturbation est une activité qui a un vrai pouvoir d’amélioration sur sa sexualité, car elle permet d’être plus à l’aise avec son corps, de l’aimer et souvent de comprendre une partie de ses mécanismes de jouissance. 

Si vous ne savez pas comment vous y prendre, découvrez 8 techniques de masturbation des femmes mais aussi des techniques de masturbation des hommes. L’autre n’est pas un magicien et le plaisir sexuel n’arrivera jamais par magie. Une personne peut aimer qu’on la stimule d’une façon et une autre détester cela. Si votre partenaire reproduit donc exactement sur vous ce qu’un-e autre aimait, cela ne va pas forcément marcher. Il faut donc communiquer et oser partager ses goûts et ressentis, pour que le couple puisse évoluer positivement dans sa sexualité.

femme avec main sur sa culotte

Aimer la sexualité, aimer faire plaisir et prendre du plaisir avec l’autre sont à la source même de la jouissance. Sans respect, sans consentement, sans envie de partage, il va être plus difficile de trouver le chemin du plaisir.

Les clichés de la sexualité masculinité virile ont des effets néfastes sur la sexualité (surtout la sexualité des femmes), mais on ne peut pas tout leur reprocher. C’est aussi à nous les femmes de prendre désormais les devants de notre sexualité, de l’assumer, de la verbaliser et de la comprendre. De leur côté, les hommes doivent apprendre à écouter, à être plus curieux, à faire preuve d’empathie sexuelle et à dépasser la vision phallocentrique.

Plutôt que de courir après l’orgasme, prenons donc le temps d’apprécier chaque moment où nous faisons l’amour, de valoriser le plaisir que nous ressentons et d’en jouir, sans pression.


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