Le même rituel périodique revient sans cesse chez beaucoup de femmes : se débarrasser des poils comme de la peste. À croire que nous nous sentons moins femmes avec nos poils. Un diktat de la beauté qu’on nous impose ou qu’on s’impose ?

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Ces poils qu’on ne saurait voir

Pendant des années, tous les mois, il y avait un rendez-vous à ne pas manquer : l’esthéticienne ! Et c’était parti pour se faire « cirer » (avec plus ou moins de douleur) les jambes et le minou intégralement. Et chaque fois, pour supporter la douleur, je pensais à cette phrase que nos mères nous ont beaucoup répétées religieusement : « Il faut souffrir pour être belle ! » Bonjour le conditionnement masochiste, hein ?

Si on revient à l’origine de nos poils, il faut savoir que comme la fourrure des animaux, ils nous servent de protection. Contre l’humidité, les rayons solaires, les parasites, les éraflures, par exemple.

Dans les temps anciens, quand nous les humains marchions quasiment tous nus et étions nomades, c’était bien pratique les poils pour protéger notre peau. Selon les chercheurs, nos poils abondants auraient diminué voire quasiment disparus de notre peau avec la sédentarisation et les vêtements.

Non à la virilité féminine

On peut s’étonner que le poil de l’homme soit valorisé, contrairement à celui de la femme. De nos jours, on voit les mecs afficher fièrement leur barbe, et aucune femme ne s’étonnera d’avoir un mec qui a du poil aux jambes, au torse ou autour du sexe. Le poil est viril ! Et c’est sûrement cela qui gêne. La femme ne doit pas être virile, elle doit être « proprette », presque fragile, car si le poil nous protège, une femme dénuée de poils est un animal fragile. Devrait-on dire aussi fragile qu’un enfant ? Nos poils apparaissent à la puberté, ils représentent donc un corps devenu corps de femme.

« L’imagination populaire, assimilant le système pileux à la fourrure, y voit un indice d’animalité et d’agressivité sexuelle. Les hommes le cultivent […]. Les femmes le dissimulent »

Germaine Greer, écrivaine australienne et universitaire féministe, 1970

Montrer notre virilité féminine (ça sonne comme un oxymore n’est-ce pas ?), cela ne se fait pas. Et c’est peut-être pour ça qu’aujourd’hui encore, le tableau L’Origine du Monde de Gustave Courbet (1866) en embarrasse certains, comme Facebook qui l’avait censuré.1http://tempsreel.nouvelobs.com/les-internets/20150306.OBS4075/pourquoi-facebook-a-une-dent-contre-l-origine-du-monde-de-courbet.html

femme en top blanc avec des poils bleus aux aisselles
Photo by Cliff Booth on Pexels.com

Rendues coupables d’avoir des poils

Il est presque impensable aujourd’hui d’imaginer qu’un homme (occidental) puisse aimer le poil sur un corps de femme. Je précise occidental, car j’ai souvenir que ma mère me disait souvent quand j’étais adolescente, qu’au Cameroun les hommes adorent les femmes poilues. Plus une femme a de poils, plus elle est attirante. Quelques poils visibles sous les bras, sur les jambes, voire même au menton, sont vus comme des atouts de séduction. Ce qui prouve donc qu’il ne s’agit pas d’une norme universelle d’aimer les femmes glabres. Figurez-vous d’ailleurs que le poil dégagerait des phéromones !

Ce qui est horrible sur le rapport au poil féminin, c’est le sentiment de culpabilité qu’il génère chez les femmes. On devient coupables d’avoir des poils, alors que c’est naturel. S’épiler fréquemment est un moyen de ne plus culpabiliser. « Ouf c’est bon, je suis de nouveau sortable, montrable, désirable ! » Voilà ce qu’on se dit, une fois débarrassées de notre pilosité. Concrètement, on se sent en échec et désespoir constant, car malgré tous nos efforts, ils repoussent toujours ces salauds ! Ce qui est normal, vu qu’ils sont naturellement voués à exister, rappelez-vous. Désormais, il existe l’épilation au laser pour les retirer définitivement, mais cela coûte cher et fait très très très très mal paraît-il… (alors, ici je souhaiterais apporter une modification. J’avais ouï-dire que cela faisait mal, mais suite à des commentaires m’indiquant le contraire, je précise que n’ayant pas testé moi-même, je n’en sais rien).

Conditionnée par nos normes sociétales, lorsque j’ai vu la première fois des photos de nanas avec leurs poils sous les bras ou sur les jambes, je me suis dit « mais que leur arrive-t-iiiiiiil ? », « maiiiis c’est dégueulaaaaassseeeeeeuuuh ! » . Pourtant, sauf preuve du contraire, j’ai aussi des poils toute l’année sur le corps.

Toutes à poils !

On se prend la tête pour rien, comme souvent, en suivant aveuglément des normes construites, présentées comme innées. Dans ce schéma de l’obsession du poil, il s’agit toujours de contrôler le corps des femmes. Un minou « pucellois » glabre est la norme réelle ou fantasmée du plaisir masculin, alors on se dit qu’il est finalement pas bien propre notre minou tout poilu… Et hop, c’est parti pour le rasoir, la crème dépilatoire ou la cire.

Par pitié, ne soyez pas traumatisées car il y a un tout petit poil qui traîne ! C’est normal qu’on en ait et bien des hommes s’en fichent, voire apprécient de voir des poils sur un corps de femmes. Vous n’êtes pas sales quand vos poils poussent. Toutes à poils et aimons-nous comme nous sommes !