Elles viennent de Paris, de Rennes ou d’ailleurs; elles sont célibataires, mères ou grand-mères ; elles ont entre 22 et 58 ans et ont toutes accepté de répondre à nos questions concernant leur rapport au maquillage. Meilleur ami ou meilleur allié, le make-up est pour certaines une obligation, un gilet de sauvetage, une passion mais aussi parfois une contrainte. Par des notes vocales très touchantes, des direct messages sur Instagram, de jolis mails ou des messages Whatsapp, voici ce qu’elles ont accepté de nous dévoiler.
La relation des femmes avec le make-up
Il est loin le temps où le khôl servait aux Egyptiens à produire des larmes pour se parer des vents des sables. Aujourd’hui, 75% des Françaises avouent se maquiller régulièrement. Les produits bio et vegan ainsi que le mouvement du no make-up gagnent du terrain. Nous avons voulu ouvrir le débat quant à la relation qu’entretient personnellement chaque femme avec le maquillage et savoir ce qu’elles ressentaient une fois maquillées. C’est un sujet inépuisable, des questions presque insolvables, car ce qui est vrai pour une femme ne l’est pas pour une autre.
Loin de se cantonner à sa définition superficielle, “l’action de mettre en valeur les qualités esthétiques du visage et d’en dissimuler les défauts à l’aide de produits cosmétiques colorés”, la relation d’une femme avec le maquillage se tisse dès l’enfance. En héritage des femmes de sa famille, le rapport se construit à l’adolescence et le lot d’ingratitude qu’elle renferme, et évolue au fil d’une vie. Ce sont justement ces histoires que l’on a voulu mettre en lumière.
Mon choix du no make-up
Personnellement, je ne me maquille plus depuis 5 ans. Si je connais les raisons qui m’y ont poussé de façon assez naturelle et instinctive, je n’en reste pas moins fascinée par le rôle et l’importance du maquillage dans la vie des femmes. Commencer par vous raconter mon histoire avant de faire honneur à celles des femmes que j’ai interrogées peut paraître discourtois. Mais je pense que cela justifie mon approche et surtout ma bienveillance quant à la diversité des avis. Pour ma part, je ne me maquille pas. Jamais, même pour les occasions spéciales, les entretiens, les rendez-vous amoureux ou autre.
Pour autant, j’entretiens mon visage, mes dents, je m’épile régulièrement et fais du sport. Mais je n’ai jamais aimé me mettre des produits cosmétiques autres que des soins sur le visage : je trouve les rouges à lèvres collants, les fonds de teint graissent ma peau et le mascara me parait agressif pour les cils. Je ne blâme pas les produits eux-mêmes, certains sont excellents, mais c’est personnel.
Je me sens totalement moi-même le visage nu alors que j’ai l’impression d’être déguisée quand je suis maquillée. Je me suis d’ailleurs entièrement démaquillée et décoiffée sur un coup de tête, juste avant de faire le discours de mariage de mon frère, afin de ne pas gâcher ce moment en étant mal à l’aise. Je ne dis pas que c’est facile tous les jours, j’ai parfois des boutons hormonaux, des cernes ou le teint terne, mais je laisse mon visage comme cela car je me préfère ainsi. Le regard des autres n’a été que très positif face à cela.
Le maquillage, un héritage ?
Mais si je vous affirme que je ne me maquille pas juste à cause de ma peau, ça serait vous mentir. Je tiens aussi ce « je-m’en-foutisme » de ma mère. C’est une très belle femme au naturel, qui ne m’a jamais transmis de leçons de coquetterie. Elle estimait sûrement que ce qui s’appliquait à son bien-être s’appliquerait par ricochet au mien. Ce qui a compliqué ma relation avec le maquillage, est le cadre d’une éducation assez stricte (punitions lorsqu’elle me trouvait maquillée à la sortie du lycée, achat de cosmétiques uniquement en cas de bonnes notes…, ce qui limitait drastiquement mon stock pendant toute ma scolarité, vu mon carnet de notes). C’est donc naturellement que j’ai commencé par son témoignage pour ouvrir la marche de cet article :
Dans ma jeunesse, la mode était aux vestes à épaulettes, aux bottes à talons portées avec des jupes serrées, les cheveux retenus par un serre-tête, façon Stéphanie de Monaco. Les pommettes étaient oranges et les lèvres rose fushia. Puis, dans les années 90, je suis devenue maman. Et là, le summum du luxe c’était d’avoir la fameuse poudre Terracotta de Guerlain ! Au fur et à mesure, sortir sans maquillage ne m’a plus posé problème. Personne ne m’a jamais appris la technique, finalement je n’ai jamais eu envie d’apprendre et de perdre du temps dans quelque chose que je trouve superflu. Mais je comprends totalement les femmes qui en ont besoin. Etre une femme avec ou sans, c’est notre luxe.
Devenue grand-mère l’an dernier, ma mère adapte désormais son maquillage aux situations : par exemple, elle prend soin de ne pas mettre de rouge à lèvres quand elle garde ma nièce, pour pouvoir lui faire des bisous. Visiblement, la maternité peut être un facteur de changement dans la relation des femmes au maquillage. C’est également le cas d’Aurore, une de mes anciennes camarades de danse :
« Jeune, il était totalement impossible que j’aille même acheter le pain sans être maquillée ! Et puis un jour, tu vieillis et tu as des enfants, et alors là tu t’en fiches ! »
Puis, c’est au tour de mon amie Caroline de me parler de sa mère :
La mienne, c’est pareil, elle ne se maquille pas beaucoup elle s’en fiche d’avoir plein de cosmétiques ou le mascara dernier cri. Elle est assez maladroite par rapport à ça. Du coup, je la maquille un peu pour les fêtes de Noël par exemple. Je lui montre comment mettre en avant ses longs cils, son regard. Forcément, cette éducation m’a influencé. Depuis, j’ai toujours pris soin de paraître toujours naturelle.
Pour Ambre, ma cousine par alliance, sa relation au maquillage s’est construite autour d’une réflexion de son père :
Le fait que je me maquille si discrètement aujourd’hui ne résulte pas vraiment d’un choix. La première fois que j’ai mis du noir sous mes yeux j’avais 15 ans. Mon père a bien failli faire une syncope en me voyant. Il m’a dit que j’étais très belle, mais que je ressemblais à un camion volé. Cette réflexion pourtant anodine m’a humiliée. J’ai enlevé mon trait d’eye liner et n’en ai plus jamais remis. À presque 30 ans, je me sens enfin assez téméraire pour mettre du mascara ou un rouge bien marqué. Mais je n’ai jamais sauté le pas et maquillé ma peau, par peur de me transformer en pot de peinture mal fardé.
En conclusion, se maquiller serait donc d’abord une question familiale et d’éducation. Intéressant, non ?
Cet article est le premier d’une série de 3 articles sur le rapport au maquillage des femmes. Lire l’article 2/3 de notre enquête sur le maquillage.
Lire l’article 3/3 de notre enquête sur le maquillage