Petite, je détestais porter des robes car elles m’empêchaient de me mouvoir aisément et de jouer au foot avec les garçons. J’étais très sensible, mais sûrement pas fragile. Evidemment, on m’a traité toute mon enfance de « garçon manqué ». Voilà où commence le problème initial. Dès la petite enfance, nous sommes conditionnées à penser que pour être reconnue comme fille, il faut jouer la femme fragile. Il faut répondre à une injonction de société selon laquelle la femme est faible et l’homme est fort. Le pire, c’est qu’on finit par croire que c’est vrai.

Si j’étais un homme

Dernièrement, je regardais le film français Si j’étais un homme. C’est l’histoire d’une femme, récemment divorcée, mère de deux enfants et qui travaille dans le secteur BTP. Alors qu’elle est au fond du gouffre psychologiquement, elle se réveille un matin et découvre qu’elle a désormais un pénis à la place de sa vulve. Ce qui a le plus retenu mon attention dans ce film et m’a donné envie de rédiger cet article, ce sont les représentations homme/femme qui en ressortent.

Affiche du film Si j'étais un homme, avec Christian Clavier et Alice Belaïdi

Le personnage principal Jeanne, se fait rejeter par son mec. Elle n’a aucune confiance en elle et se fait entièrement mépriser et dominer par ses homologues masculins au travail. La vie semble totalement la dépasser. La femme fragile par excellence, mais alléluia, son nouveau phallus va lui faire pousser des ailes ! D’abord, il faut qu’elle apprenne à maîtriser son « Pinpin » (oui, je vous assure, c’est comme cela qu’ils l’ont surnommé dans le film) et pour cela, passage obligé de la masturbation. Visiblement, les hommes ont un besoin frénétique et incontrôlable de se masturber d’ordre névrotique ! Les hommes aussi ont droit à leur lot de clichés dans ce film. En tout cas, une fois Pinpin apprivoisé, Jeanne prend confiance en elle, devient de plus en plus forte, gagne le respect à son boulot, a plus d’autorité auprès de ses enfants et assume désormais fièrement qui elle est. Merci le membre viril ! Merci la testostérone !

Y a-til un sexe fort et un sexe faible ?

Qu’essaie-t-on de nous dire à travers ce film ? Les femmes doivent-elles nécessairement se comporter comme des hommes pour se faire respecter ? Les femmes sont le sexe faible et les hommes le sexe fort ? Etre une femme forte est forcément signe d’un caractère de type masculin ?

Le parallèle effectué entre force mentale, assurance, gain de respect et masculinité est parfaitement évident. Le pire dans tout cela, c’est que derrière ce film se cache une réalisatrice. En prétendant vouloir casser des stéréotypes, elle ne fait que les enfoncer. Elle a visiblement bien intégré les représentations souhaitées par la société. Heureusement que Game Of Thrones est là pour nous montrer des femmes reines, dominantes et mères de dragons. Encore que, ceci a lieu dans un monde féerico-imaginaire, et que la représentation des femmes n’est pas toujours exempte de visions sexistes.

Si j’étais un homme reflète une construction sociale admise insupportable. Pourquoi les femmes sont-elles majoritairement représentées comme faibles, fragiles et en proie au doute de soi constant ? Pourquoi si une femme ne rentre pas dans ce schéma, on affirme qu’elle agit « comme un mec » (ou qu’elle a une b*te qui lui a poussé dans la nuit) ?

Une femme forte serait ainsi privée de sa féminité, ce qui la rendrait donc moins séduisante, auprès d’une cible masculine hétérosexuelle. Si une femme forte est « comme un mec », alors un homme hétéro ne peut être séduit que par une femme ayant l’air faible, peu dangereuse, domptable. Par conséquent, la société attribue aux femmes des vertus de fragilité dans le but de les rendre plus désirables aux yeux des hommes, et moins effrayantes.

Préfères-tu être une femme fragile ou être « un homme manqué » ?

Une femme au fort caractère, qui rit à gorge déployée, qui assume pleinement sa sexualité sans s’en cacher, qui ose séduire ouvertement, impressionne plus d’un homme. Il y a un autre cliché à déconstruire derrière cela : celui de l’homme super viril, qui n’a peur de rien et a une confiance en lui indestructible, grâce à son puissant pénis. Comme nous l’évoquions dans l’article Sexualité masculine, virilité et clichés, l’homme se construit avec l’idée qu’il est un chef de guerre sexuel, ce qui génère en lui la hantise de ne pas être à la hauteur.

Si la femme, qui détient ce vagin insatiable, se met à s’assumer, alors qu’on aime la fantasmer comme fragile, n’y a-t-il pas danger pour l’ego ? On remarque d’ailleurs que le fantasme de l’actrice porno reflète l’idéal égotique pour l’homme. Une femme qui adore le sexe, désire avidement le sexe masculin, mais se laisse totalement dominer par celui-ci. Elle n’a aucun désir propre, on ne s’inquiète pas de ses envies réelles, ni de son plaisir. Elle ne remet jamais en cause la puissance du mâle. Il suffit de la prendre et elle jouit non-stop pendant des heures. Oui, bien sûr…

Les stéréotypes de genre commencent dès la petite enfance, rien que dans les contes pour enfants. La princesse est toujours coincée dans son donjon – ou autre symbole d’enfermement –  et attend d’être sauvée du prince charmant. Et quand ce n’est pas le cas, elle prouve sa force en se comportant « comme un homme », à l’image de Mulan de Walt Disney. Désespérant.

« Vous êtes plus fragiles que des fillettes, mais coup par coup, je saurai faire de vrais hommes de vous » (paroles présentes dans la chanson)

L’humain a ses fragilités, ce n’est pas un attribut féminin. En tant que femmes, nous ne devons pas perpétuer cette image, car nous sommes les premières à pouvoir la casser et la relativiser. Les personnes qui ont une sacrée paire d’ovaires n’ont rien à envier aux paires de couilles.