Autre temps, autres moeurs, à chaque génération sa sexualité qui fluctue et évolue au fil des époques. Fascinées par toutes les questions de sexualité et de nouvelles pratiques, il était tout naturel de s’intéresser de plus près à celles des jeunes d’aujourd’hui. À travers un questionnaire diffusé sur les réseaux sociaux, nous avons essayé de connaître les habitudes et les pratiques de la génération Z, les jeunes né-es après 1995. Si cette génération peut être fière de contribuer à libérer la parole autour de la sexualité, notamment à travers des mouvements de contestations et un néo-féminisme grandissant, certaines appréhensions persistent et d’autres freins émergent au sein d’une société aussi émancipée que contradictoire.

Après les Millennials, la Génération Z

La génération Z ce sont les jeunes qui ont moins de 25 ans aujourd’hui. Cette génération est ultra connectée et ne jure que par les réseaux sociaux. Mais elle se révèle aussi avoir de fervent-es activistes, qui peuvent rester devant leurs lycées et écoles pour protester contre un nouvel amendement de loi ou lancer des hashtags à forte résonance.

Deux autres catégories s’opposent au sein de la génération Z : la Génération du M, la génération du moi. Cette catégorie est sur-connectée, sur-exposée et sur-narcissique, ne jure que par internet et les réseaux sociaux, jusqu’à parfois remettre en cause l’éducation “classique” se rêvant auto-entrepreneur-e de tout ou influenceur-se, avec une ligne ténue entre réalité physique et profil virtuel. Et la Génération du We (génération du nous) est activiste, végétarienne, très empathique et a foi en la société, mais lutte pour que la société et ses dirigeants s’adaptent à leurs valeurs. Cela dit rien n’est figé, et un jeune plutôt We peut aussi être Me et vice-versa… il s’agit plutôt de deux tendances qui se dessinent au sein d’une même génération, particulièrement marquée par ces nouvelles aspérités.

happy multiracial friends embracing on bench after basketball training
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85% des jeunes considèrent que le sexe est un sujet hautement important*

L’an dernier, la fédération nationale des gynécologues de France a sorti une étude démontrant que les jeunes faisaient moins l’amour qu’avant, et un sondage Ifop révélait que les troubles érectiles étaient aujourd’hui aussi fréquents chez les plus de 50 ans que chez les moins de 30 ans. Trop de sexe tuerait-t-il le sexe ? Peut-être. À l’heure où le sexe n’a jamais été aussi accessible, on observe un remaniement des acquis et des tabous.

Parole de participante âgée entre 19 et 22 ans, qui s’identifie comme femme cisgenre bisexuelle

Il n’y a pas si longtemps, il était dur d’assumer d’avoir des relations d’un soir. Aujourd’hui « le plan cul » n’est plus honteux quand il est pratiqué entre adultes consentants. Cependant, l’orgasme n’est pas plus répandu, surtout chez les jeunes femmes. Les interrogées confessent qu’elles sont très nombreuses à ne jamais avoir connu l’orgasme, hormis en se masturbant. Selon l’étude Journal of Sexual Medicine, National Survey of sexual health & behaving, à 15 ans, 82,2 % des garçons se sont déjà masturbés, pour 24,9 % des filles. La masturbation est une pratique totalement normale et naturelle dans le processus de compréhension de son corps et d’apprivoisement de son désir.

Parole de participante âgée entre 19 et 22 ans, qui s’identifie comme femme cisgenre sans orientation sexuelle définie

Chose intéressante, statistiquement, l’âge auquel les jeunes perdent leur virginité (à savoir, avoir eu une relation sexuelle, et plutôt pénétrante) n’a toujours pas changé depuis 30 ans et se situerait à 17 ans. En revanche, dans les faits, beaucoup de jeunes ont eu des pratiques sexuelles plus précocement. À ce sujet, on les a interrogé sur l’utilisation des sextoys. 50% n’en n’ont jamais utilisé. Celles et ceux qui en ont utilisé ont tous-tes déjà eu des rapports sexuels avec quelqu’un avant.

Face à l’absence de l’Etat, la pornographie comme principale source d’éducation sexuelle

Tous les sites pornographiques connus sont accessibles sur smartphone et sont visionnés de plus en plus tôt. Tandis que les ados des années 2000 devaient se passer secrètement des disquettes de films érotiques ou planquer des magazines porno sous leur matelas, aujourd’hui, il suffit de taper une URL sur son téléphone.

En exaltant les performances, les rapports de domination récurrents et une vision dégradante des femmes, le porno mainstream actuel impose une norme qui peut entraîner des conséquences dramatiques. En effet, la gynécologue Pia de Reilhac témoigne d’une grande détresse de la part de nombreuses jeunes filles qui n’ont pas de plaisir avec leurs partenaires. Les sexologues français ont déjà lancé l’alerte sur l’influence du porno.

Il faut se rendre à l’évidence, les films porno sont devenus trop faciles d’accès et sans une solide éducation sexuelle associée, les effets peuvent être extrêmement néfastes. Sans politique publique claire, des initiatives naissent pour aider à faire le pont. À titre d’exemple, la réalisatrice Erika Lust a lancé une plateforme pour aider les parents à discuter pornographie. Plusieurs des personnes interrogées ont déclaré trouver les pornos “fake, obsolètes et parfois dégradants”. Nous ne leur avons pas demandé s’ils-elles regardent du porno réalisé par des femmes.

Mais la pornographie n’est pas la seule à blâmer. L’ensemble des médias, de la publicité au cinéma, en passant par les séries, offrent aussi leur vision bien à eux du plaisir, de l’excitation et du coït, avec son lot de caricatures.  En véhiculant une certaine vision de la sexualité, l’ensemble des médias, des réseaux sociaux, de l’industrie du porno et de la pop-culture bâtissent des complexes et idées reçues chez celles et ceux qui les consomment, notamment parmi les plus jeunes.

Actuellement les élèves scolarisés dans des groupes scolaires publics n’ont que très peu de cours d’éducation sexuelle, pourtant un article du code de l’éducation de 2001 prévoit trois séances annuelles d’éducation sexuelle obligatoire dès la primaire, mais cette loi est peu appliquée.

L’effet « Netflix and Chill »

Études à rallonge, emploi du temps surbooké, les écrans qui s’invitent dans le lit… Le temps des câlins est aujourd’hui lourdement concurrencé par d’autres activités. Dans une étude parue par le Wall Street Journal,

36 % des 18-38 ans auraient décliné un rapport sexuel, au cours des six derniers mois, pour regarder une série ou Netflix.

couple qui regarde Netflix
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L’expression « Netflix and Chill », populaire et issue de la culture réseaux sociaux pourrait traduire cette préférence pour cette activité de « kiffer Netflix » plutôt que de papouiller. Pourtant, elle a très vite eu un sens détourné et dès 2015, l’expression est ajoutée à l’Urban Dictionary qui la définit ainsi : « code pour deux personnes qui vont l’un-e chez l’autre et font l’amour ou ont des pratiques sexuelles ». Est-on donc certain-es que parmi ces 36%, il n’y a pas des aficionados du Netflix and chill ? Rien n’est moins sûr…

Bonne nouvelle, les jeunes sont de plus en plus nombreux à prôner une sexualité bienveillante, à vanter les mérites de l’écoute et de la communication, du plaisir et du désir ! Et si la qualité primait désormais sur la quantité ?

Polyamour, trouple, bisexualité : vers une banalisation saine et assumée des relations non hétéronormées ?

En 2012, en France, nous devions descendre dans la rue pour défendre le Mariage Pour Tous. Aujourd’hui, d’après notre questionnaire, si 100% des jeunes croient encore à la notion de fidélité en couple, ils ne sont pas tous de fervents admirateurs du couple traditionnel (mariage, exclusivité, hétérosexualité…). En effet, l’homosexualité et la bisexualité sont plus normalisées. 50% des internautes ayant répondu s’estiment hétéros, tandis que l’autre moitié a répondu un spectre plus large (pansexuel-le, bi-e, gay/lesbienne). Absolument tous-tes nos interrogé-es reconnaissent et évoquent la possibilité du polyamour ou trouple un jour au cours de leur vie !

Jack, Izzy et Emma de la série « Toi Moi et Elle »
Jack, Izzy et Emma de la série Netflix « Toi Moi et Elle » sur l’histoire d’amour d’un trouple

Se rencontrer et s’apprivoiser passe par l’envoi de textos, de snaps ou de nudes. Une évolution qui s’explique par nos modes de vie, désormais hyper-connectés. Certains se concentrent sur leurs potes et leurs études, d’autres ne veulent pas faire une croix sur leur vie amoureuse, tandis que certains tentent le slow sex pour inverser la tendance de la surconsommation sexuelle.

Quand on leur demande à la génération Z “comment ils imaginent leur sexualité à 30 ans”, tous-tes pensent qu’elle sera encore plus épanouie et aboutie qu’aujourd’hui. Ils n’ont sûrement pas tort, car nous avions constaté lors d’une enquête que la sexualité des personnes âgées de plus de 40 ans était souvent plus satisfaisante  ! 

La sexualité des jeunes n’est pas celle de leurs aîné-es, au même titre que la nôtre n’est pas la même que celle de nos parents. À chaque génération, les pratiques évoluent, des apprentissages se font.

Article basé sur une étude issue de 31 témoignages de personnes de 15 à 22 ans, majoritairement des jeunes femmes, en couple sans enfant, résidant majoritairement en France, étudiantes ou en recherche d’emploi, habitant pour la moitié chez leurs parents ou avec leur conjoint.