Ne pas vouloir d’enfant quand on est une femme, cela reste un très gros tabou dans la société. Oser l’affirmer signifie souvent se confronter à des propos désagréables, dépréciatifs, voire insultants. C’est paradoxal de dire qu’enfanter est un choix volontaire et libre, quand il semble insupportable pour la société de voir des femmes décider de ne pas être mères. A-t-on donc vraiment « le choix » – voire le droit – de penser notre vie de femme hors maternité ? Bettina Zourli n’a jamais voulu d’enfant et en parle sur sa page Instagram populaire @jeneveuxpasdenfant. Elle y partage son expérience et les témoignages d’autres femmes, qui se confrontent aux jugements de la société. Elle est également autrice d’un essai sorti en 2019 aux éditions Spinelle Childfree, je ne veux pas d’enfant. Ce qui était au départ une décision libre et éclairée s’est transformé en combat politique et féministe !
À partir de quand t’es-tu dit “je ne veux pas d’enfant” ?
Dès la puberté, j’ai commencé à me dire que je ne voulais pas d’enfant, car on s’est mis à me dire “t’as tes règles, maintenant t’es une femme, tu vas pouvoir être mère. »
Puis à 15 ans, avec mon premier copain avec qui je suis restée 4 ans et demi, un moment est arrivé où on s’est demandé si on voudrait des enfants, et moi je faisais semblant de me projeter. Je pense que j’ai toujours su que je n’en voulais pas au fond. Je disais déjà à mes potes que je serais la tata qui voyage partout et qui ramène des cadeaux aux enfants. En fait, je n’ai jamais ressenti l’envie, dès lors que mon corps a fonctionné pour pouvoir accueillir un enfant.
Il y a 3-4 ans, la question de l’empreinte écologique s’est ajoutée à ma conviction de na pas vouloir d’enfant, et plus récemment, le manque de foi en l’humanité. Il y a tellement de personnes énervées, homophobes etc. notamment sur les réseaux sociaux, que je n’ai pas du tout envie d’infliger ça à un enfant qui n’a rien demandé.
Comment ton mari vit-il ce choix de ne pas avoir d’enfant ?
Nous sommes en parfait accord. La question s’est vite posée entre nous, au bout de deux semaines, car je ne prenais pas du tout de contraception. J’ai testé la pilule, l’implant, le stérilet et je ne voulais plus de tout ça. De plus, nous étions en Thaïlande, donc un peu compliqué de se poser la question d’aller chez la gynéco ! Il m’a dit qu’il ne voulait pas d’enfant non plus et qu’il pensait faire une vasectomie. Un mois et demi après notre rencontre, c’était fait ! Il faut savoir que mon mari a vécu aux Etats-Unis et en Australie, où c’est beaucoup moins tabou d’effectuer cette opération pour les hommes. En Europe du Sud, cela reste encore super choquant !
Qu’est-ce qui t’a donné envie d’écrire le livre Childfree, je ne veux pas d’enfant ?
Ma réflexion est venue quand je me suis mise en couple avec mon mari. Il y a eu très vite sa vasectomie, puis ensuite notre mariage, et on m’a sorti des phrases du type “T’es sûre de toi ? Imagine si tu veux un enfant plus tard, tu vas devoir changer de mec” ! On a vécu au Guatemala, et à ce moment-là j’avais du temps, donc j’ai commencé à lire des livres divers, notamment sur le féminisme, et j’ai réalisé qu’il y’avait beaucoup d’injonctions sur ce sujet de l’enfant. J’ai commencé à écrire toutes les raisons pour lesquelles je n’en voulais pas et toutes les réflexions que je me prenais au quotidien. C’est ainsi qu’est né mon essai. J’ai ensuite lancé le compte Instagram en 2019, pour m’assurer que le sujet soit accessible à plus de monde et pas uniquement aux personnes qui sont déjà intéressées par le sujet.
Quelles sont les violences les plus fréquentes envers les femmes qui ne veulent pas d’enfants ?
Pour beaucoup de personnes (femmes et hommes), c’est le rôle premier de la femme, il faut devenir mère un jour. Quand tu exprimes ce non-désir, les autres vont forcément te répondre “ah tu privilégies ta carrière en fait”, comme s’il y avait forcément cette binarité (soit être mère, soit faire carrière). Perso, je ne suis pas carriériste pour un sou, je veux juste être moi comme je l’entends.
Il y aussi la phrase : “tu ne seras jamais une vraie femme”. Alors que quand tu as tes règles pour la première fois, même si c’est à 10 ans et que t’es encore une enfant, on te dit « ça y’est t’es une femme ». Cependant, après tes règles, si tu n’enchaînes pas avec un enfant dans ta vie “non tu seras jamais vraiment une femme”.
L’autre phrase violente récurrente : “Tu as forcément vécu un traumatisme pour que tu ne veuilles pas d’enfant”.
La représentation de ce qu’est une vie accomplie de femme reste “être en couple, mariée, avec enfants”. Selon toi, qu’est-ce qui gêne les autres dans le fait de sortir de ce cadre ?
Souvent, les gens n’ont pas eu l’occasion de se poser la question et de s’autoriser cette réflexion et cette liberté. Je trouve que les autres projettent leur propre insécurité sur toi. En même temps, rien dans la société ne dit que tu as le droit de te poser la question d’avoir un enfant ou non. On me demande pourquoi j’en fais une revendication si je trouve cela normal, et je réponds que justement, je n’attends qu’une chose, que ce soit tellement banalisé que je n’aie plus besoin de le revendiquer.
C’est difficile de remettre en question l’idée d’une maternité obligatoire, d’autant plus que c’est mondial. Toutes les sociétés du monde sont pro-parentalité, il n’y a pas du tout de porte pour oser s’interroger là-dessus.
Observes-tu des différences de traitement entre toi et ton mari, quand vous dites que vous n’aurez pas d’enfants ?
Quand j’en parle et que mon mari est avec moi, les réflexions sont bien plus violentes envers moi, alors que lui a fait une vasectomie. Les questions qu’on lui pose sont toujours plus bienveillantes, de l’ordre de la curiosité. On lui demande éventuellement s’il peut encore bander, alors qu’il n’y a aucun rapport. Envers moi, il y a toujours ce stéréotype de la femme qui donne la vie, la perpétue et doit s’occuper de l’enfant.
Je reçois quelques témoignages de mecs sur mon compte Instagram, on voit qu’ils reçoivent moins de jugements, qu’il n’y a pas cette notion du “tu ne seras jamais un vrai homme sans enfant”.
Finalement, ne pas vouloir d’enfant quand on est une femme est un acte politique ?
Oui, ne pas vouloir d’enfant est complètement politique. L’utérus est politique. Les femmes enceintes me disent régulièrement que leur corps ne leur appartient plus, que les inconnu-es s’autorisent à mettre la main sur ton corps sans te demander. C’est réellement un combat féministe, contre une société sexiste, c’est au-delà d’un choix personnel. En France, la politique est nataliste ! On m’a même déjà sorti des phrases d’extrême-droite : “si vous ne faites pas d’enfants, c’est que vous êtes pour « le grand remplacement” !
Pour suivre Bettina Zourli et son engagement pour libérer la parole sur le non-désir d’enfant, on vous invite à suivre sa page Instagram @jeneveuxpasdenfant et à lire son livre Childfree !