Le mouvement « body positive » a fait beaucoup parler de lui sur les réseaux sociaux, nous encourageant à nous aimer tel.le.s que nous sommes. Cette belle initiative a pris une ampleur considérable, mais notre représentation de la beauté des corps a-t-elle changé ? Triste nouvelle : les diktats de la société sur le physique peinent à disparaître dans notre société. C’est un fait, les discriminations et la stigmatisation frappent particulièrement les femmes qui ont des rondeurs. Près d’une femme sur deux en situation d’obésité ou de surpoids est victime de grossophobie (47 % selon l’enquête Odoxa en 2020 1https://liguecontrelobesite.org/actualite/sondage-les-adolescentes-et-les-jeunes-femmes-en-situation-dobesite-parmi-les-plus-grandes-victimes-de-la-grossophobie/). Cette enquête révèle sans surprise que les adolescentes sont les plus touchées.
La grossophobie décomplexée en tous lieux
Un livre illustre bien ce mal être : « On ne naît pas grosse » de Gabrielle Deydier. Ayant toujours eu le sentiment de n’être à sa place nulle part, Gabrielle pointe du doigt l’omniprésence de la grossophobie. On s’aperçoit que le surpoids est stigmatisé partout : à l’école, au travail, chez le médecin, à la télévision, dans la sphère familiale… Pour ne citer qu’un exemple, la simple consultation chez le médecin est parfois vécue comme une véritable épreuve. Matériel inadapté, analyse des symptômes en fonction des « kilos en trop », discours culpabilisant, etc. Le milieu professionnel n’échappe pas non plus à ce phénomène. L’impact de la corpulence sur l’emploi et le salaire est considérable pour les femmes (selon une étude de l’OIT et du défenseur des droits en 2016). 2https://www.insee.fr/fr/statistiques/2110919?sommaire=2110927
Les diktats d’une société sur nos corps
L’exemple de la diabolisation de la cellulite dans les publicités vous parle certainement. Alors même qu’il s’agit d’une caractéristique tout à fait normale présente chez 80 à 90 % des femmes (eh oui !), la cellulite est encore vue comme quelque chose de disgracieux.
Dans nos discussions, les films, les pubs, le discours qui prône la minceur est partout. En réponse à un ras-le-bol général de se voir imposer une image de la femme idéale sur les réseaux sociaux : un mouvement ou plutôt un hashtag commence à faire du bruit à partir de 2018. Le mouvement inclusif « body positive » vient encourager les femmes à accepter leurs courbes et à aimer leur corps. Parmi les icônes du mouvement on retrouve notamment Ashley Graham, célèbre mannequin grande taille.
Le mouvement « body positive » a certainement dû déranger quelques normes patriarcales, c’est vrai. Par contre, la minceur est toujours synonyme de féminité et le corps parfait est sans cesse standardisé. Même si les #bodypositive sont extrêmement positifs et émancipateurs, les clichés sont bien souvent intériorisés par les victimes. Au même titre que le maquillage ou l’épilation, d’ailleurs.
La dangereuse culture du régime
Les femmes sont statistiquement plus nombreuses à surveiller leur poids et à faire des régimes. Dans l’esprit des gens, maigrir n’est parfois qu’une question de volonté et la pression pour maigrir est extrêmement forte. L’industrie des régimes, en faisant l’apologie de la minceur, a tendance à stigmatiser les femmes rondes et les renvoie à la prétendue anormalité de leur corps « gros ». Rappelons quand même que le taux d’échec des régimes est de 95 %. Pourtant, on nous fait toutes sortes de promesses : le régime devient tout à coup la clé du succès, du bonheur, de la beauté, de l’équilibre… La perte de poids est LA solution contre l’insécurité et les problèmes. La vérité c’est que le régime peut créer un véritable traumatisme : troubles du comportement alimentaire, baisse d’énergie, de libido, détresse émotionnelle, anxiété, dépression, etc. Les dommages de la grossophobie sont accentués par ce discours culpabilisateur pour celles qui ont du mal, qui ne peuvent ou ne veulent tout simplement pas perdre de poids.
Le combat des rondes pour s’habiller
Où en est-on de l’inclusion des rondeurs dans l’industrie de la mode ? Là aussi, se vêtir peut-être vécu comme un véritable combat. On observe des progrès chez certaines grandes enseignes, mais la bataille pour l’inclusion n’est pas encore gagnée. Les discriminations sont encore peu remises en cause et le milieu de la mode ne semble pas pressé. Celles qui ont des courbes le savent, les prix sont encore parfois trop élevés et le choix est restreint. Les mensurations dites parfaites sont toujours mises en avant sur les podiums alors même que la taille la plus observée chez les Françaises est le 40. L’émergence de mannequins « grandes tailles » nous fait du bien. Par contre on peut s’interroger : s’agit-il d’une stratégie marketing ou d’une démarche inclusive qui va s’inscrire dans le temps ?