On sait que la majorité des violences sexuelles sont commises par des hommes sur des femmes. 1*Qu’on peut aussi nommer « personnes sexisées » pour plus d’inclusivité. Ce terme désigne l’ensemble des personnes subissant structurellement du sexisme. Ce terme permet d’inclure toutes les personnes subissant du sexisme c’est-à-dire les femmes cis, trans, lesbiennes… Le terme “sexisé”permet de mettre l’accent sur les processus de construction sociale de la différence des sexes à la racine du sexisme. (Juliet Drouar, 2021) Et logiquement, si autant de femmes sont violées, c’est qu’il y a bien des violeurs quelque part. Pourtant, une méconnaissance sur les mécanismes du viol, et plus largement, sur le profil des victimes et des violeurs continuent d’être entretenus. Ce manque d’information, favorisant la perpétuation de préjugés sur le viol, est majoritairement nourri par la culture du viol.  

Naissance, définition et contextualisation du terme « culture du viol » 

La culture du viol tire ses origines de l’anglais “rape culture” utilisé pour la première fois dans l’ouvrage collectif des Féministes radicales de New York “Rape: The First Sourcebook for Women” publié aux Etats Unis en 1974. Il faudra attendre 2017 pour que ce terme soit réellement popularisé suite au mouvement #metoo (Chloé Leprince, 2017). 2https://www.franceculture.fr/societe/culture-du-viol-lhistoire-dune expression-militante-mais-peu-academique Mais que désigne-t-il ?  

Selon Valérie Rey-Robert, une essayiste militante féministe experte des questions de violences sexuelles, la culture du viol désigne :  

Valérie Rey-Robert, 2019

Dans l’article de France Culture intitulé “Culture du viol : derrière l’expression, une arme militante plutôt qu’un concept”, Éric Fassin rejoint cette définition en soulignant l’importance de penser les violences sexuelles « en terme sociologique et non individuel, non pas comme une exception pathologique, mais comme une pratique inscrite dans la norme qui le rend possible en la tolérant, voire en l’encourageant. » (Chloé Leprince, 2017) 3https://www.franceculture.fr/societe/culture-du-viol-lhistoire-dune expression-militante-mais-peu-academique

Ainsi le viol, et plus largement les violences sexuelles, doivent être pensées à partir d’un prisme structurel. Elles prennent leur origine dans le système patriarcal (qui peut être défini comme la forme d’organisation sociale où l’homme possède le pouvoir économique, social et politique).4https://www.larousse.fr/dictionnaires/francais/patriarcat/58689 Si les violences sexuelles sont rendues possibles, c’est parce qu’elles sont légitimées par le système qui crée et entretient de nombreux préjugés à l’égard des femmes et des hommes.  

Pourquoi parle-t-on de culture ?  

La culture du viol se fonde principalement sur les représentations sociales des relations entre hommes et femmes véhiculées par le système patriarcal. Ces croyances sur le viol se manifestent dans des domaines différents, notamment à travers les œuvres culturelles tels que le cinéma, la littérature ou encore la musique. C’est en créant son blog Crêpe Georgette dans les années 2000 que Valérie Rey-Robert a commencé à analyser des films, émissions, ou des livres qui contribuaient à entretenir la culture du viol. Elle explique : 

Valérie Rey-Robert, 2019

Valérie Rey-Robert énonce beaucoup d’exemples qui alimentent les préjugés sur le viol, notamment le tableau “Le Verrou” de Fragonard qui représenterait une scène de viol ou le livre “Les Liaisons dangereuses” où le vicomte de Valmont serait en réalité un violeur.  Bref, vous l‘aurez compris, il existe une multitude d’exemples, on en citera ici quelques-uns :  

  • Série :  

· Games of Thrones : On peut ici prendre l’exemple de Daenerys qui se fait violer par Khal Drogo puis prendra par la suite des cours sur le sexe pour le satisfaire et y prendre du plaisir. Cette scène diffuse le préjugé selon lequel la femme violée finit par aimer son violeur, ce qui laisse à penser que le viol n’est pas si grave. (Valérie Rey-Robert, 2019) 

  • Film

· L’ Auberge Espagnole où l’histoire entre Romain Duris et le personnage de Judith Godrèche met clairement en scène le non-consentement. Au début de la scène, Judith manifeste clairement son non consentement, elle ne souhaite pas coucher avec Romain Duris, il insiste, puis après avoir résisté, elle finit par céder au charme de Romain Duris… Par la suite, Romain Duris raconte son exploit à son amie. Valérie Rey-Robert explique que cette forme de résistance féminine a toujours fait partie du jeu amoureux à la française.  

  •  Musique : 

· Robin Thicke, Blurred Lines feat T I et Pharell : L’image de la femme qui est transmise dans le clip aussi bien que dans les paroles de la chanson sont problématiques :  

“So I jail watch, hand wave for you to salute, but you didn’t pick, not many women can refuse this pimpin’. I’m a nice guy, but you get it if you get with me.” Puis le refrain, “And that’s why I’m gon’ take a good girl, I know you want it, I know you want it, I know you want it, You’re a good girl.” Et pour finir “I hate these blurred lines.”

Traduction complète :

« Donc je surveille, je te fais signe pour que tu me salues, mais tu n’as pas voulu, peu de femmes peuvent se refuser à moi. Je suis un gentil garçon, mais tu n’y auras droit que si tu te mets avec moi.  Et c’est pour ça que je vais avoir une gentille fille. Je sais que tu le veux, je sais que tu le veux, je sais que tu le veux. T’es une gentille fille. Je déteste ces limites floues. »

Robin Thicke, Blurred Lines feat T I et Pharell

Dans cette musique, la notion de consentement est totalement floutée, les hommes perçoivent bien que la femme ne veut pas, et pourtant ils prétendent savoir mieux qu’elle. L’idée du “non est égal à un oui” est véhiculée. 

Pour résumer :  

Valérie Rey-Robert, 2019

La culture du viol est donc présente dans de nombreuses œuvres culturelles. Les représentations et préjugés sur le viol issus de la société patriarcale sont transmis en partie à l’aide de ces supports artistiques. Un phénomène superbement analysé d’ailleurs dans le livre d’Iris brey  « Le regard féminin », qui nous invite à déconstruire le male gaze (regard masculin) dans le cinéma. À noter qu’aucune institution n’est exempte de cette culture. Nous y sommes tous.tes exposé.e.s de telle manière que nos représentations sont totalement biaisées comme nous l’analysons dans l’article Déconstruire les représentation sociales du viol, du violeur et de la femme violée.

Sources de lecture conseillées :  

Brey Iris, Le regard féminin, De l’olivier eds, 2020, 252 p. 
Douar Juliet, Sortir de l’hétérosexualité, Binge Audio Editions, Collection sur la table, Paris, 2021, 157p.
Rey-Robert Valérie, Une culture du viol à la française, Libertalia, Paris, 2019, 296 p. 
Renard Noémie, En finir avec la culture du viol, Les Petits Matins, Paris, 2018, 185 p.   

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