Il est possible d’avoir recours à la stérilisation volontaire en France depuis 2001, une méthode contraceptive définitive pour les personnes qui ne souhaitent pas ou plus avoir d’enfants. Pour cela, les hommes et les personnes assignées hommes à la naissance font une vasectomie, tandis que pour les femmes et les personnes assignées femmes à la naissance, il s’agit d’une ligature des trompes. Nous avions fait une enquête sur la vasectomie, en interrogeant des hommes sur leurs souhaits et parcours face à cette opération. 62 femmes ont également accepté de répondre à notre enquête sur la stérilisation volontaire, un sujet qui reste encore relativement tabou dans notre société.
Pourquoi faire le choix de la stérilisation volontaire ?
Commençons par un petit rappel de la loi :
La stérilisation à visée contraceptive est autorisée par la loi (loi n° 2001-588 du 4 juillet 2001) et seules les personnes majeures peuvent demander une stérilisation à visée contraceptive. Voici les étapes à suivre :
Parmi les femmes interrogées dans notre enquête, 37% ont déjà effectué leur stérilisation et 63% songent à passer à l’acte. La ligature des trompes a été la méthode employée par 68% des femmes qui ont déjà vécu l’opération, tandis que les autres sont passées par la technique Essure. Lancée il y a 12 ans, la technique Essure commercialisée par les laboratoires Bayer, consiste à implanter un ressort dans les trompes afin de bloquer les spermatozoïdes. Elle est désormais interdite en France depuis 2017, après plusieurs incidents liés à son utilisation, comme ce fut le cas pour une des personnes interrogées:
Essure était « vendu» comme une solution miracle, je ne savais pas que j’aurais des soucis ensuite qui m’ont pourri la vie pendant des années ( adénomyose, règles hémorragiques 7 jours par mois) , maintenant ça va mieux à part les crises de rhumatismes de temps en temps. Pour mon gynéco Essure n’est pas responsable, au fond de moi je sais que si. Heureusement cette méthode est désormais interdite en France. Le plus important pour moi, c’est de ne pas avoir écouté les autres qui me disaient que je risquais de regretter de ne plus avoir d’autres enfants, et ça je ne regrette pas.
Stéphanie, 45 ans
Les raisons énoncées pour pratiquer une stérilisation volontaire sont principalement :
- l’envie d’arrêter les contraceptions à base d’hormones qu’elles trouvent néfastes pour leur corps (39%)
- elles ne veulent pas avoir d’enfants (37%)
- elles ont déjà des enfants mais n’en veulent plus (36%)
- des raisons éthiques et écologiques (9%)
Je ne voulais pas d’autre enfant, j’ai déjà 2 ados. Et j’en avais assez des effets secondaires de la pilule et du stérilet, d’avoir peur d’être enceinte à chaque retard de règles, d’oubli de pilule, ou symptômes ressemblant à une grossesse (nausées, seins douloureux…).
Marie-Elie, 39 ans.
Je ne veux pas d’enfants, je veux une vie sexuelle libre et sans contraception nocive pour la santé.
Laure, 38 ans.
Certaines femmes évoquent également une phobie de la grossesse, un souhait de ne pas donner vie à un enfant dans le monde actuel, un dégoût des enfants et une préférence pour l’adoption.
À la question, « comment vous sentez-vous depuis que vous avez décidé de faire cette stérilisation volontaire ? », 29% des femmes répondent en employant spontanément les mots « libérée » et « soulagée ». 17% affirment « se sentir mieux » et 8% se disent « impatientes ».
Je me sens plus en confiance et j’ai la sensation de vraiment décider de ce qui est bon pour moi!
Elise, 23 ans.
Mon corps, mon choix, ma contraception
81% des femmes interrogées ont indiqué être en couple et 52% ont affirmé avoir pris leur décision seule, ce qui n’exclut pas une discussion avec le ou la partenaire de vie. Pour celles en couple, la majorité des partenaires a soutenu ce choix. Dans certains cas, des hommes se sont proposés à faire une vasectomie.
Aucune de ces femmes n’a fait mention d’un accord obligatoire du mari avant qu’un médecin n’accorde la stérilisation. D’autres médias relatent parfois des témoignages de femmes se plaignant d’avoir du faire signer un papier d’autorisation à leur mari, avant de pouvoir procéder à la stérilisation.1https://www.20minutes.fr/societe/2543175-20190618-non-femme-demandant-ligature-trompes-besoin-accord-mari Pourtant, le Ministère de la Santé indique clairement dans son livret sur la stérilisation contraceptive que :
« La loi confère à la seule personne concernée par l’intervention la responsabilité du choix d’une stérilisation. Il lui est possible cependant d’associer son (sa) partenaire à sa réflexion. Toutefois, seul le consentement de l’intéressé(e) sera recueilli ».
Parmi les moyens de contraception habituels utilisés par les femmes de notre enquête, les plus mentionnés sont la pilule (49%), le préservatif masculin (40%), le stérilet (29%), l’implant (12%), le retrait avant éjaculation (10%).
Plus de 50% des femmes interrogées expriment un mal-être vis-à-vis de leur contraception initiale, dû principalement à des effets secondaires contraignants (perte de libido, angoisses, migraines, dépression, prise de poids, maux de tête…). On remarque que les moyens de contraception les plus cités en matière d’inconfort sont la pilule, le stérilet et l’implant.
J’ai subi et je subis encore ma contraception. Mon compagnon est là pour moi, on partage les frais (autant financiers que moraux). On a eu beaucoup d’échecs aussi. Je plains aussi la société de favoriser les contraceptions féminines, ça pèse de devoir porter ce fardeau. Mais pour le coup, je préfère quand même moi-même être stérilisée, car j’ai horreur de me sentir fertile.
Julie, 24 ans
La contraception c’est trop de contraintes. Baisse de libido, dépression, bartholinite et sécheresse vaginale.
Flavie, 25 ans
Parmi les femmes qui ne se plaignent pas d’effets secondaires avec leur contraception, il est mentionné comme contraintes le stress de devoir se souvenir de prendre la pilule, et la peur que la contraception soit inefficace.
Le processus médical de la stérilisation est jugé trop contraignant
70% des femmes interrogées font état d’un processus médical encore trop compliqué, qui a tendance à mettre mal à l’aise les femmes dans leur choix, voire à vouloir les convaincre de changer d’avis ou les infantiliser.
On s’entend dire systématiquement qu’on va regretter, qu’on ne sait pas ce qu’on veut et que les médecins ont un droit « moral » de refuser. On est obligées de voir un psychologue et c’est tout un comité qui prend les décisions pour notre utérus.
Lucy, 26 ans
Les 30% restantes font état d’une satisfaction de l’entourage médical qu’elles ont eu, qu’elles ont jugé respectueux, à l’écoute et dans le respect de ce que la loi indique.
Je n’ai eu aucun frein à ma stérilisation. J’en ai parlé à ma gynéco qui m’a expliqué les différentes techniques et m’a parlé du délai de réflexion.
Sabrina, 38 ans
Certaines disent avoir conscience qu’avoir plus de 30 ans et avoir déjà eu des enfants a dû faciliter leur processus. En effet, les femmes nullipares de moins de 30 ans semblent rencontrer de plus grandes difficultés à obtenir un accord pour la stérilisation volontaire. En effet, il leur est plus facilement asséné qu’elles regretteront leur décision.
J’ai trouvé un chirurgien rapidement grâce au groupe Facebook « Stérilisation volontaire ». Mais dès que l’on ose aborder le sujet avec n’importe quelle personne du corps médical, les propos que les individus tiennent sont aberrants : « vous allez changer d’avis, vous êtes trop jeune, vous ne pouvez pas savoir ce que vous voulez vraiment, vous ne trouverez jamais de chirurgien etc… »
Ashe, 25 ans
Très peu accessible pour les personnes nullipares ou de moins de 35 ans, et pour ceux qui acceptent les nullipares, les praticiens demandent souvent un avis psychiatre qui n’est pas toujours favorable.
Marine, 25 ans
La stérilisation contraceptive : manque d’informations et stigmatisation culturelle ?
À la question, « Quels sont selon vous les éléments qui rendent tabou ce moyen de contraception définitive ?« les réponses ont été les suivantes :
- 84% ont sélectionné « les freins culturels et préjugés »,
- 63,5% ont sélectionné « le monde médical »,
- 62% « le regard négatif de la société sur les femmes nullipares »
- 60% « le patriarcat ».
Les femmes ont également été nombreuses à estimer que le tabou sur la stérilisation vient du manque d’informations (40%), d’un sentiment de culpabilité des femmes (18%) et de la peur (13%).
En matière de prise de connaissance et d’informations sur le sujet de la stérilisation volontaire, on constate qu’une très faible minorité des répondantes ont été informées par leur médecin traitant (2%) ou gynécologue (4%). Ce résultat semble d’abord dû à une habitude de chercher des informations sur Internet, plutôt que de se tourner vers le monde médical. La recherche d’informations sur Internet (moteur de recherche, blogs, magazines, groupes Facebook, forums…) est citée comme le premier moyen de connaissance de l’existence de la stérilisation (56%). Pour 33% des répondantes, l’entourage (amis, famille…) a été la seconde source d’informations.
Pour terminer l’enquête, nous avons laissé le champ libre aux femmes de partager une remarque supplémentaire leur tenant à cœur au sujet de la stérilisation. Nous vous en partageons quelques-unes ci-dessous :
Je suis ravie d’avoir été opérée, mais aussi en colère pour toutes les années d’angoisse que j’ai dû vivre avant juste parce que la société et les médecins n’acceptent pas l’idée qu’une femme puisse ne pas/plus vouloir d’enfant.
Nathalie, 44 ans
Je souhaite énormément de courage aux femmes qui comme moi ne supportent pas la contraception et à qui on ferme souvent la porte d’une stérilisation. Le chemin est long mais ça en vaut la peine.
Joanna, 32 ans
Il n’est pas normal de ne pas écouter les besoins/envies des femmes à ce sujet, même quand cela fait partie de nos convictions depuis longtemps. Je n’ai pour l’instant trouvé personne dans le monde médical acceptant ma volonté.
Stéphanie, 34 ans
La stérilisation est un moyen de libération comme un autre et il serait temps de communiquer les informations dessus lors des cours d’éducation sexuelle et aux médecins, qui ne sont pas toujours à jour dans les nouveautés.
Marie Lou, 17 ans
Il y a encore aujourd’hui trop de jugement négatif sur cet acte, alors que nous sommes censées disposer librement de notre corps.
Clémence, 31 ans
Si vous souhaitez obtenir plus d’informations sur la stérilisation volontaire à visée contraceptive, nous vous invitons à lire le livret d’information du Ministère de la Santé et à rejoindre le Groupe Facebook mixte « Stérilisation Volontaire (Ligature, Essure, Vasectomie) ». Nous vous recommandons également le site Gynandco qui vous propose une liste de soignant-es pratiquant des actes gynécologiques avec une approche plutôt féministe.