La masturbation est une pratique qui continue de créer de la gêne dans nos sociétés. Pourtant, c’est juste un acte de plaisir, un acte d’amour envers son propre corps. La sexualité reste vue comme une sorte de sorcière, aussi désirée que redoutée, qu’on expose tout en souhaitant la cacher de la société. Dans ce climat, les femmes cisgenres ont tendance à mépriser leurs désirs solitaires et éprouvent de la honte face à leurs pratiques masturbatoires. Le humping, à savoir le fait de se frotter pour se masturber est répandu chez les femmes. Pourtant, certaines éprouvent de la honte ou se sentent anormales de se donner du plaisir ainsi. Cassons ce tabou qui n’a pas lieu d’être.

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Le frottement est associé à tort à une « masturbation de gamine »

Le humping est le nom anglais donné à la technique du frottement, terme largement diffusé et popularisé par les sites de streaming pornographiques. Cette technique de masturbation consiste à frotter sa vulve contre une surface pour se donner du plaisir. C’est souvent la technique que découvrent naturellement les jeunes filles dans leur lit, en mettant un coussin entre leurs jambes ou un nounours par exemple. Cette méthode vue comme une pratique appartenant à la sexualité infantile et adolescente, est peu prise au sérieux par le monde adulte de la sexualité. Comme s’il fallait considérer la sexualité dite adulte, plus valide que celle des débuts de notre sexualité. Cela trahit un regard sur la sexualité enfermant et qui refuse le caractère mouvant et évolutif de celle-ci.

Pourquoi faire une hiérarchisation des pratiques dans le temps, alors que la sexualité de chacun-e est différente ? Rappelons-nous aussi que le père de la psychanalyse Sigmund Freud, à qui on reconnaît d’être le premier à avoir vraiment tenté de penser la sexualité féminine, a participé à créer des conditionnements de pensée néfastes : selon lui, les orgasmes offerts par le clitoris étaient des « réponses sexuelles immatures », et seuls les orgasmes offerts par la pénétration du pénis dans le vagin étaient des orgasmes « matures ». Forcément, difficile ensuite pour la société de penser que les femmes puissent prendre un vrai plaisir autrement qu’avec un pénis.

Frotti frotta et clitoris content

Frotter sa vulve contre un élément apporte des sensations excitantes, car les lèvres et le clitoris sont stimulés. Si on est habillée, la sensation de frottement entre la culotte, le vêtement qu’on porte et le support utilisé pour se masturber est hautement agréable physiquement. Psychologiquement, il y a un sentiment de transgression à se masturber ainsi, de façon plus ou moins discrète, et sans utiliser ses mains. Le humping peut aussi être pratiqué en étant toute nue bien sûr, ce qui n’est ni mieux ni moins bien qu’habillée. Les vidéos sur les sites porno mainstream privilégient quasi exclusivement des images de femmes qui se frottent nues contre des meubles. Cela n’a rien d’étonnant étant donné leur capacité zéro à penser la sexualité autrement qu’avec des parties génitales en gros plan. En réalité, chacune fait ce qu’elle veut, et selon ce qui lui fait du bien. Les façons de se masturber des femmes sont diverses et variées comme le rappelle le concept OMG Yes.

femme d'origine asiatique sur son lit
Photo par YI REN

Pratiquer le humping est une masturbation aussi normale qu’une autre, et non ce n’est pas bizarre

Dernièrement, je parlais masturbation avec deux amies différentes au téléphone et par hasard, chacune d’elles m’a confié qu’elle pratiquait le humping. Durant ces confidences qui m’ont inspirées cet article, aussi bien Mélanie* que Danielle*, toutes deux au début de leur trentaine, m’ont sorties cette même phrase : « Moi, je ne me masturbe pas vraiment. Enfin, parfois je fais un truc, tu vas dire que je suis folle, mais ce que je fais c’est que je me frotte, je sais c’est bizarre. » Toutes deux pensaient qu’elles ne se masturbaient pas ou se masturbaient mal par rapport à… à qui et quoi d’ailleurs ? Par rapport à une norme qu’elles avaient en tête, très probablement influencée par le silence qui règne autour de la masturbation. Aussi par les clichés récurrents du porno et les projections d’hommes (et femmes) hétéros cisgenres sur la sexualité des femmes. Pour elles, se masturber « normalement » incluait forcément de se rentrer des doigts dans le vagin. Ne pas le faire et ne pas aimer le faire pour se toucher était donc perçu à leurs yeux comme une étrangeté. Elles pensaient être dans une « catégorie des filles à la sexualité bizarre ou anormale ».

Alors qu’en vrai, combien de femmes prennent vraiment du plaisir en se mettant des doigts dans le vagin ? Je lance les paris qu’à côté de celles qui adorent se frotter, il y aura sûrement bien moins de mains levées. Il serait temps que les représentations changent et collent réellement à la sexualité féminine, et non aux fantasmes qui sont projetés sur les corps des femmes.

Sortons des visions pénétro-centrées

La sexualité hétérosexuelle est presque exclusivement pensée autour de la pénétration du vagin. Ainsi, qu’il s’agisse du phallus ou de doigts, ce qui compte c’est de « taper dans le fond ». Cette vision joue un rôle dans le regard que des femmes vont porter sur leur propre façon de se masturber. Dès l’adolescence, qui n’a pas eu ou entendu des copains obsédés à l’idée de « doigter une fille », comme s’il n’y avait que ça qui comptait. En attendant de pouvoir utiliser son pénis pour pénétrer évidemment. Les images pornographiques pensées pour les hommes, accentuent cette attente d’une sexualité pénétro-centrée, avec des femmes qui sont pénétrées tout le temps (par des doigts, des pénis, des godes et par tout ce qu’il y a à disposition globalement). Ainsi, les femmes grandissent avec l’idée que la masturbation nécessite pénétration et qu’elles doivent forcément y prendre du plaisir.

Or, caresser son clitoris et ses lèvres, en se frottant contre un objet, en utilisant ses mains, ou avec un stimulateur clitoridien, sont des techniques de masturbation privilégiées par majorité de femmes.

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Se frotter pour se masturber offre des sensations multiples, seule ou à deux

Le fait de se frotter permet de stimuler plein de zones érogènes du corps en même temps. Un vibro se concentre sur la zone génitale, mais quand on hump, par exemple sur un gros coussin, les cuisses aussi vont se frotter, le bas du ventre et la zone anale peuvent aussi ressentir des stimulations. Le type de mouvement effectué va créer de l’excitation, comme faire des ronds avec son bassin ou basculer d’avant en arrière. Le humping peut être fait de différentes façons et sur différents supports, selon les moments et les sensations de plaisir de chacune. Assise sur une chaise ou sur son coussin de lit, allongée sur son lit avec la main collée contre la vulve, contre un rebord de table ou sur sa selle de vélo, tout est possible.

photo de femme allongée sur un nounours

Se frotter pour jouir n’est pas une pratique qui s’effectue juste sur des objets, ni uniquement pour se masturber en solitaire. Il est tout à fait possible de faire du humping sur son partenaire sexuel ou sa partenaire sexuelle. Se frotter contre la cuisse de l’autre peut être très excitant pendant l’acte sexuel. L’autre peut accompagner le mouvement avec sa jambe pour faire varier les pressions sur votre vulve et vous caresser en même temps. Vous pouvez y aller doucement ou vous frotter frénétiquement contre l’autre. La position dite des « ciseaux » par exemple, associée à la sexualité lesbienne, fonctionne sur le principe de se frotter vulve contre vulve, l’une sur l’autre.

Faites-vous plaisir selon vos règles

On veut trop compartimenter la sexualité (surtout hétérosexuelle) en étapes prédéfinies : masturbation – « préliminaires » – pénétration – éjaculation – peut-être orgasme – dodo. Pourtant, la sexualité est un tout. Les caresses, les baisers, les frottements, les doigts, les sextoys, la pénétration ou la non-pénétration du pénis, se masturber, tout cela c’est du sexe. Et il n’y a pas un ordre obligatoire à suivre. Se masturber peut être fait en solitaire comme à deux, ça peut arriver au début de l’acte comme à la fin, il n’y a pas de règles. Ce qui compte, c’est de prendre du plaisir et que tout soit fait avec le respect de son corps et de façon pleinement consentie.

Si tout est consenti envers vous-même et l’autre, que vous aimez vous frotter pour vous masturber, il n’y a pas de honte, ce n’est pas bizarre, c’est uniquement un moyen de prendre du plaisir comme un autre !

* Les prénoms ont été changés pour respecter l’anonymat.

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