Je suis passée de l’autre côté, du côté du mâle alpha, du pénis pénétrant, de l’actif et du courbaturé. Bref, je pratique le pegging (ou chevillage en français), c’est-à-dire cette position simple : une pénétration entre un homme et une femme, sauf que c’est la femme qui pénètre l’homme. Je vais vous raconter comment cette toute petite différence a enrichi ma vision, mon ressenti et ma compréhension de nos sexualités : la sexualité dite féminine et celle dite masculine !

Pas si radicale comme pratique sexuelle

Je ne connais pas les chiffres (et ne suis pas absolument convaincue qu’ils existent d’ailleurs) de cette pratique particulière pour la France. Ce que je sais laisse à penser que c’est une pratique relativement confidentielle. Le pegging, ou chevillage, est évoqué dans un épisode de la série « Sex and the City ». C’est bien entendu Samantha, la plus sexuelle de toute la bande (femme phallique avant que l’expression ne soit médiatisée par Chris de Christine and the Queens) qui s’y colle… avec une femme, dans le cadre de sa courte et unique relation lesbienne.

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Puis à nouveau plus récemment, dans un épisode de « Broad City » où l’héroïne, Abbi, se lance dans l’expérience grâce à son voisin (c’est dans ce cas-là l’homme qui lui propose ouvertement) et avec les encouragements de sa meilleure amie, Ilana, qui rêve de réaliser ce fantasme depuis toujours. Enfin, la position où l’homme, hétérosexuel, se fait sodomiser par sa partenaire, femme hétérosexuelle également, fait partie de la sexualité de l’anti héro des temps modernes, aussi marginal que sarcastique : Deadpool 1 & 2.

Scène de pegging Deadpool
Scène de pegging dans le film Deadpool

À part ces premiers exemples, à ma connaissance la pratique du pegging reste peu documentée dans les médias et la production culturelle dite « mainstream ». En parallèle, de nombreux pornos spécialisés et taggés « Strap on » montrent des femmes dans ce que l’on pourrait qualifier de « fantasmes lesbiens pour hommes hétéro », ou bien des vidéos de femmes sodomisant et surtout humiliant des hommes, dans le genre plutôt dominatrice SM. Dans la pratique, il n’est pas si rare de croiser la route d’hommes qui aiment le sexe anal, et donc pour la plupart réclament, que leur anus (et tous les trésors qu’il abrite) ne soit plus le parent pauvre de la sexualité hétérosexuelle. Qu’on vienne au pegging par contrainte (ma première expérience était avec un homme qui vivait avec une insensibilité de la verge depuis une circoncision malheureuse) ou par pur plaisir (les sexplorateurs du dimanche qui lisent le Traité d’Aneros pour atteindre l’orgasme prostatique), de nombreux chemins mènent à cette nouvelle source de plaisir partagé.

À la (re)découverte du plaisir visuel   

Sans rentrer dans trop de détails opérationnels – ceci n’est pas un tuto – je dirais juste aux sexplorateur.rice.s qui souhaitent se lancer que, comme toute première fois, celle-ci exigera de la part des deux participants et pour que tout se passe bien : de l’envie partagée, de la patience et de la tolérance face aux éventuelles maladresses non préméditées. La bonne nouvelle pour vous les hommes, c’est que les femmes ont l’expérience (voire l’habitude) de gérer des premières sodomies un peu…  maladroites. Et n’oubliez pas non plus les incontournables : gode ceinture, préservatifs et lubrifiant (en quantité illimitée et compatible avec la matière de votre gode). Maintenant je veux vous livrer une liste très personnelle et donc non contractuelle de mes sources de plaisir quand je pratique cette position sexuelle. Initialement, l’excitation était principalement générée par la nouveauté de la position et son côté presque transgressif, mais j’y reviendrai un peu plus tard.

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Ensuite, le plus impressionnant reste l’attrait visuel de toutes les nouvelles choses qui se passent. Je deviens voyeuse et j’adore ça ! Alors oui, comme tout le monde, j’ai déjà regardé de près la pénétration lors de rapports hétéro normés (comprendre « papa dans maman »), d’abord pour voir ce qui hypnotise autant mon partenaire, puis un peu par mimétisme car, il faut se l’avouer, ce n’est pas non plus dément comme vision. Mais là, c’est très différent et je n’arrive tout simplement pas à regarder ailleurs. La première raison que j’ai tout de suite perçue : c’est hypnotique effectivement de se voir pénétrer quelqu’un… selon moi, bien plus que l’inverse mais c’est un avis très personnel. La seconde raison m’est apparue après quelques semaines de pratiques : si je ne regarde pas mon gode pénétrer mon partenaire, vu que je ne peux mécaniquement rien sentir (en attendant les progrès de la science), je n’arrive pas à me connecter à ce qu’il se passe. Je ressens le plaisir par la vue… c’est vraiment très nouveau pour moi et je ne peux m’empêcher de penser que c’est plutôt « masculin » comme expérience.

Physiquement aussi, le plaisir est intense mais très différent. Pour être claire, mon plaisir est toujours fourni par l’organe dédié : le clitoris. Mais il peut être stimulé de deux manières différentes : soit par le frottement de la ceinture et de la base du gode sur la partie externe du clitoris, lorsque vous utilisez un modèle type strap-on (attention, si vous le portez au-dessus d’une culotte, vous réduisez grandement les chances d’atteindre l’orgasme) ; soit par la double stimulation du clitoris (partie externe et interne) si vous utilisez un gode double adapté, type ShareVibe de Fun Factory. Les orgasmes sont multiples pendant le coït (mon record personnel étant 4) et assez différents aussi : plus rapides et plus vifs. Mon partenaire m’a dit un jour que j’avais joui comme un homme… à méditer.

Sharevibe de Fun Factory
Photo officielle du sextoy Sharevibe de Fun Factory, pensé pour le pegging

Pegging et inversion des rôles  

Je garde le meilleur pour la fin : ce que j’ai appris sur ma sexualité et celle de mes petits amis masculins… ou plutôt, comment cette expérience m’a confortée dans deux de mes plus fermes convictions.

La première est que nous sommes, en tant qu’être sociaux, enclins à endosser des rôles et des comportements qui sont prédéterminés, voire imposés, par notre genre. Pour caricaturer, être à l’écoute et émotive lorsqu’on est une femme par exemple, tandis que l’homme sera affirmé et fort physiquement. Au lit aussi, nous avons nos rôles assignés. Je le sais parce que dès l’instant où j’ai pu me « travestir » en homme, j’ai également agi en tant que tel : de façon plus active, plus affirmée, plus centrée sur moi aussi et moins engagée émotionnellement. Et le même phénomène est vrai pour mon partenaire qui explique aimer cette position parce qu’il n’a pas « à être responsable, en contrôle. »

La seconde est que si ces rôles sont initialement attribués à un genre spécifique, ils sont aussi totalement interchangeables, à condition d’être avec un.e partenaire qui apprécie ce changement. Je l’ai dit, le changement de posture est quasi immédiat et m’a permis, en tant que femme, d’apprécier encore plus la responsabilité qu’endossent les hommes : oui, c’est réellement une performance physique (alors que je n’avais même pas à me soucier d’une potentielle « panne ») et oui, la passivité de l’autre est grisante mais aussi parfois presque dérangeante. Ce qui n’enlève rien au plaisir que je ressens lors de rapports hétéro normés, mais je ressens plus de complicité et d’empathie pour mon partenaire maintenant que je me mets, littéralement mais pas tout le temps, à sa place.

Et vous le pegging, vous vous y mettez quand ? Retrouvez plus d’infos sur le pegging et mon témoignage dans le podcast Prude.