Les chiffres sont éloquents : 500 millions de femmes dans le monde n’ont pas les moyens de se procurer des protections périodiques. La parole autour des règles se libère en occident et c’est plutôt une bonne nouvelle. Mais le chemin est encore long et la précarité menstruelle reste un enjeu majeur d’éducation et de santé publique à l’échelle planétaire. Dans certains pays, le poids des traditions, le manque d’information et l’extrême pauvreté vont jusqu’à mettre en danger la vie des femmes. Cap sur ce tabou social persistant et les initiatives positives pour que la couleur rouge sang arrête d’intimider le monde !
Les règles, ce tabou universel qui dure
C’est un constat, la nature est ainsi faite : une femme passe entre 3 000 et 3 500 jours de sa vie à avoir ses règles. Ce qui paraît moins naturel, c’est qu’elle passe autant de jours à les cacher, les taire ou même parfois à devoir se cacher elle-même. Il n’y a pas une société dans laquelle le tabou des règles n’existe pas. D’où vient ce rejet du sang des règles ? Les religions ont largement contribué à rendre le sujet des règles interdit. Dans beaucoup de pays encore, les menstruations sont synonymes de culpabilité. Les femmes qui saignent sont considérées comme impures et cette croyance alimente les superstitions et injonctions religieuses sévères. Ce tabou est lié symboliquement à la capacité de reproduction des femmes. Avoir ses règles c’est ne pas être enceinte et par conséquent c’est ne pas contribuer à la reproduction de la société.
Même dans les pays où la parole commence à se libérer comme la France, l’impact des règles dans la vie des femmes reste considérable. Et malheureusement, ce tabou universel se retrouve dans tous les aspects de nos vies. Surtout, on comprend qu’en France comme partout ailleurs, la pauvreté menstruelle est indéniablement liée à ce tabou.
L’hygiène menstruelle des pays en développement
L’exil menstruel
Ce tabou se traduit parfois par la mise à l’écart ou le rejet des femmes pendant leurs règles. C’est le cas par exemple avec la tradition hindoue du « chaupadi » dans certaines régions rurales du Népal. Cette tradition, qui a pourtant été interdite depuis 2005, existe toujours, mettant en danger la vie de beaucoup de femmes qui doivent s’isoler dans des granges, des huttes ou des cabanes au milieu de nulle part, parfois sans eau ni électricité.
L’absence de toilettes
Selon l’UNICEF, 2,3 milliards de personnes manquent de services d’assainissement de base. Les diagnostics WASH montrent que 25 % des femmes au Nigéria manquent d’intimité, notamment dans les écoles pendant leurs règles. Parfois, il n’existe même pas de toilettes pour filles séparées et réellement utilisables. Sur le continent africain, 1 fille sur 10 ne va pas à l’école lors de ses menstruations. C’est pourquoi l’association CARE France se mobilise sur le terrain pour construire des toilettes décentes et des points d’eau adaptés.
Des protections hygiéniques inaccessibles
L’accès aux protections hygiéniques est difficile dans certaines régions du monde, obligeant les femmes à trouver des solutions « maison » dangereuses sur le plan sanitaire. Torchons, bouts de tissus déjà servis, papier journal, etc. En Inde, encore aujourd’hui, pouvoir se procurer des protections hygiéniques est un luxe que certaines ne peuvent se payer. En raison de leur coût, mais aussi de l’impossibilité d’en trouver. Laetitia Colombani, dans son livre, le cerf-volant, évoque de manière bienveillante et touchante, le quotidien difficile des jeunes filles menstruées de la communauté Dalit. Le continent africain n’est pas épargné, selon l’association Zana Africa au Kenya, 65 % des jeunes filles n’ont pas accès aux protections hygiéniques. La crise sanitaire et l’augmentation du prix des protections hygiéniques en Amérique du Sud nourrit ce fléau, une étude publiée par Sempre Livre en septembre 2021 montre que 28 % des Brésiliennes souffrent de précarité menstruelle.
Les conséquences de la précarité menstruelle dans le monde
Les conséquences d’une mauvaise hygiène menstruelle sont nombreuses sur la santé des femmes, mais les répercussions psychologiques, sociales et professionnelles le sont tout autant. Une enquête réalisée par la FAGE en France1https://www.fage.org/news/actualites-fage-federations/2021-03-05,dossier-presse-precarite-menstruelle-etudiants.htm révèle les terribles conséquences de la précarité menstruelle sur la vie des étudiantes en France. Mais les conséquences de la pauvreté menstruelle sont les mêmes pour toutes les femmes du monde :
- La santé physique (infections, démangeaisons, syndrome du choc toxique)
- La santé mentale (sentiment de mal être, perte de confiance en soi, stress, honte)
- La santé sociale (isolement, décrochage scolaire)
La précarité menstruelle alimente les inégalités entre hommes et femmes, elle entretient parfois même cette notion de dépendance et d’exploitation par le patriarcat. Au Kenya le phénomène est malheureusement bien visible : la pauvreté oblige certaines femmes à vendre leur corps pour se payer des protections hygiéniques.
La gratuité des protections périodiques dans le monde
La parole autour des règles commence à se libérer en occident. Le sujet est maintenant abordé par les politiques et les études sur la précarité menstruelle sont de plus en plus nombreuses. Certaines associations comme Règles Élémentaires en France, HAPPIH ou encore Girl Up contribuent nettement à faire avancer les choses.
En 2020, les produits d’hygiène menstruelle sont devenus totalement gratuits pour toutes en Écosse. La France et la Nouvelle-Zélande mettent désormais à disposition des tampons et serviettes dans les écoles et universités. En Corée du Sud, un système a été mis en place pour permettre aux jeunes filles de commander des protections gratuitement. En Allemagne, des tampons sont en libre-service dans certaines toilettes de restaurants, musées, mairies…
La gratuité des protections périodiques constitue une avancée considérable qui mérite d’être saluée. Ces initiatives positives permettront peut-être d’en finir avec l’utilisation de protections de fortunes et de réduire les conséquences sur la santé des femmes qui en découlent. Bien évidemment le combat dépasse les frontières et la gratuité des produits ne suffira pas à briser le tabou sur lesmenstruations. Continuons donc à nous mobiliser pour que nos menstruations ne fassent plus rougir.
Source utile : https://www.worldbank.org/en/topic/water/publication/wash-poverty-diagnostic