Il est temps de regarder la réalité en face : la pornocriminalité est au coeur du porno « gratuit » en ligne. C’est une violence filmée, diffusée, monétisée. Alors que s’ouvre une décision judiciaire capitale dans l’affaire « French Bukkake », des dizaines de victimes attendent que la justice reconnaisse l’ampleur du crime qu’elles ont subi. En parallèle, un rapport du Haut Conseil à l’Égalité dresse un constat implacable sur une industrie pornographique fondée sur la violence, le racisme, le sexisme et l’impunité.
Une justice au rabais pour des crimes extrêmes
Quatre ans. C’est le temps qu’il aura fallu pour que les 42 victimes de l’affaire « French Bukkake » entendent enfin le bruit d’une porte de tribunal s’ouvrir. Quatre ans d’attente, d’exposition publique, de souffrances à répétition, pour une mise en accusation qui niait jusqu’alors la nature la plus abjecte des actes subis : la torture, le sexisme, le racisme.
Mais, grâce à une mobilisation sans précédent et au soutien de nombreuses personnes, une avancée décisive a eu lieu. Vendredi 16 mai, la Cour de Cassation a censuré l’arrêt de la Cour d’appel de Paris : les circonstances aggravantes de racisme et de sexisme sont désormais reconnues. Le procès se tiendra devant une cour d’assises. C’est une première victoire. Une reconnaissance – enfin – de la gravité des faits, et une ouverture pour les futures victimes qui oseront, elles aussi, parler.

Faire un don pour soutenir les victimes de pornocriminalité
L’an dernier, de nombreuses personnes ont soutenu l’action pour financer l’accompagnement juridique des victimes des affaires dites “Jacquie et Michel” et “French Bukkake”. Deux plateformes pornographiques tristement emblématiques d’une industrie toxique, où 17 hommes sont poursuivis pour viols, viols en réunion, traite d’êtres humains en bande organisée. Plus de 50 plaignantes, majoritairement des jeunes femmes vulnérables, manipulées, violées, torturées.
Aujourd’hui, le combat continue. Les procédures sont longues, techniques, coûteuses. Les associations et avocates qui accompagnent ces femmes ont besoin de fonds pour :
- Financer les frais juridiques pour les procès à venir
- Assurer un soutien psychologique durable
- Aider les victimes à se déplacer, se loger, s’habiller pour les audiences
- Coordonner les démarches entre victimes, avocat·es et soignant·es
Soutenir ces femmes, ce n’est pas seulement un acte de solidarité. C’est refuser que la société continue de faire commerce des violences faites aux femmes et refuser le silence. C’est faire acte de résistance féministe.
Une industrie criminelle
Le rapport du Haut Conseil à l’Égalité est sans appel : dans 90 % des vidéos pornographiques, on trouve de la violence physique ou verbale. Des millions de contenus diffusés glorifient la souffrance, l’humiliation, les insultes racistes et sexistes. Cette industrie repose sur un modèle économique qui transforme la haine en clics, les clics en argent, et les femmes en proies.
Les témoignages des plaignantes, notamment dans le livre Sous nos regards ou lors de leur interview accordée à Mediapart, nous rappellent une vérité brutale : les violences sont réelles. Ce n’est pas de la fiction. Ce n’est pas du cinéma. C’est du crime organisé.
Le racisme et le sexisme comme piliers de l’imaginaire pornographique
La pornographie n’est pas seulement un miroir de notre société, elle est une fabrique de domination. On y voit des femmes arabes appelées « beurettes », des hommes noirs animalisés, des pratiques d’humiliation systémique érotisées, des jeunes filles mises en scène comme mineures. Ces représentations sont politiques. Elles sont la matérialisation de la culture du viol, de l’idéologie sexiste, raciste et LGBTphobe. Les fantasmes qu’elle produit influencent les comportements vis-à-vis de la sexualité. D’ailleurs, des études montrent que les jeunes garçons exposés à la pornographie ont un risque accru (x3) d’adopter des comportements sexuels préjudiciables.1https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/violences-faites-aux-femmes/travaux-du-hce/article/rapport-pornocriminalite-mettons-fin-a-l-impunite-de-l-industrie-pornographique. Aussi, la fétichisation et le racisme sont monnaie courante dans le milieu libertin.
Comme le dit la chercheuse Gail Dines : « Dans le porno, les femmes semblent adorer être détestées ». Cette glorification de la haine est aujourd’hui accessible à un enfant de 10 ans.
Une complicité institutionnelle inacceptable
Malgré la loi, malgré les rapports parlementaires, malgré les plaintes, malgré les preuves, rien ne bouge vraiment. Les plateformes continuent à héberger des contenus illégaux en toute impunité. Pharos, censé les retirer, reste inefficace. L’Arcom, censé réguler, regarde ailleurs. La France a les outils juridiques pour agir, mais pas encore la volonté politique. En continuant à ne rien faire, nos institutions deviennent complices de la pornocriminalité.
Une autre vision de la sexualité est possible
Loin du cauchemar pornocriminel, une sexualité libre, joyeuse, respectueuse est possible. Une sexualité où les corps ne sont pas utilisés, mais célébrés. Où les femmes ne sont pas soumises, mais souveraines. Où l’imaginaire érotique ne se nourrit pas de la haine, mais de la tendresse, du consentement, du plaisir partagé. De premières tentatives existent de la part de réalisatrices pour proposer une autre vision plus respectueuse et éthique de l’imaginaire pornographique. Mais une chose est sûre, il faut d’abord éradiquer l’industrie qui transforme la torture en fantasme. La pornocriminalité ne doit pas envahir nos imaginaires sexuels.
Que faire maintenant ? Soutenir, témoigner, exiger
Le procès aura bien lieu aux assises. Ce n’est que le début. Chaque don et chaque voix qui relaye cette lutte compte. Chaque femme entendue, crue, soutenue, compte. Lire le communiqué co-signé par la Fondation des Femmes.
👉 Quelques chiffres à retenir (qui font froid dans le dos !) :
- 90% des contenus pornographiques comportent des violences, des appels à la haine misogyne et raciale ainsi que des contenus pédocriminels
- En France, 51% des garçons de 11-12 ans consomment régulièrement des contenus pornographiques alors que les plateformes doivent interdire leur accès aux mineurs
- 58% des femmes victimes de violences conjugales attribuent une part de ces agressions à la consommation de pornographie de leur partenaire 2https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/violences-faites-aux-femmes/travaux-du-hce/article/rapport-pornocriminalite-mettons-fin-a-l-impunite-de-l-industrie-pornographique
La révolution féministe ne se fera pas sans justice. Et la justice, aujourd’hui, se gagne à force de mobilisation.