La Journée Mondiale de la Contraception est célébrée tous les ans le 26 septembre, dans le but de réduire les grossesses non désirées dans le monde. En France, il a fallu attendre 1967 pour que le Parlement autorise la pilule (avant cela, prendre une contraception était passible d’amende) ! Inventée en 1955 par l’américain Grégory Pincus, la pilule est le moyen de contraception le plus utilisé en France (33,2% des femmes âgées de 15 à 49 ans). 1https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2017/les-francaises-et-la-contraception-premieres-donnees-du-barometre-sante-2016

Cependant, depuis 2013 une baisse de l’utilisation de la pilule est constatée.2https://www.ined.fr/fichier/s_rubrique/19160/pes492.fr.pdf.

Nous avons lancé un appel à témoignages sur les réseaux sociaux pour comprendre les raisons qui poussent des femmes à arrêter de prendre une contraception hormonale et les conséquences sur leur santé, leur sexualité et leur bien-être. Niveau libido, sautes d’humeur ou menstruation, majorité d’entre elles évoquent un sentiment de libération !

Dire stop à la contraception hormonale : un esprit plus sain dans un corps plus sain ?

Pratiquement toutes les femmes interrogées pour notre enquête ont arrêté de prendre une contraception hormonale en constatant des effets secondaires trop difficiles à supporter. À l’image des données nationales de Santé Publique France,3https://www.santepubliquefrance.fr/les-actualites/2017/les-francaises-et-la-contraception-premieres-donnees-du-barometre-sante-2016 la majorité étaient sous pilule, même si d’autres moyens de contraception sont cités comme le stérilet hormonal, l’implant, le patch et l’anneau vaginal).

« J’ai commencé par l’implant contraceptif vers 17 ans, au bout de 8 mois j’ai commencé à avoir des pertes des sang tous les jours, donc je l’ai retiré. J’ai ensuite testé le patch. Au bout d’un an, j’ai commencé à avoir du cholestérol et une allergie à la colle du patch. Je suis ensuite passée à l’anneau vaginal et cette période a été conjuguée à une période de dépression. En m’informant, je me suis aperçue que beaucoup de femmes utilisant l’anneau vaginal parlaient du moral dans les chaussettes. J’ai décidé de stopper tout contraceptif hormonal pour voir si mon moral pouvait aller mieux. Délivrance au bout de 3 mois. Je revis ! Je décide donc de passer au stérilet en cuivre, mais ce fut difficile de trouver un gynécologue ouvert à faire une pause de stérilet à 24 ans. J’ai retrouvé un cycle normal vers 26 ans. Et pour rien au monde je ne reprendrais des hormones »

Ouliana*, 26 ans.

Les femmes témoignent de sautes d’humeurs et d’états dépressifs qui disparaissent suite à l’arrêt de la contraception hormonale.

« La pilule et le patch me donnaient déjà des effets secondaires (prise et perte de poids a gogo, acné drastique, libido ultra fluctuante, humeur changeante) mais je m’y attendais et c’est comme si mon cerveau se disait « ok c’est normal ». Puis est venu l’implant. Mon corps a fait un rejet total, c’était sûrement un dosage trop élevé d’un coup et il a mis du temps a s’accommoder. En plus des règles qui durent une éternité, mon moral a commencé a partir en vrille à vitesse grand V et tout mon entourage me disait que ce devait être l’implant. J’ai commencé un état dépressif sévère au bout de deux semaines. J’ai du aller voir plusieurs spécialistes, qui éloignaient derechef la piste de l’implant. Surprise, c’était bien ça le problème ! Au bout de quelques mois [après le retrait] j’ai commencé à revoir un semblant de bonheur ! »

Ninou*, 23 ans

Dans son Rapport d’élaboration « Contraception chez l’homme et la femme », la Haute Autorité de Santé indique que « la contraception hormonale peut être associée à un changement d’humeur, mais il n’existe pas de preuve pour une corrélation avec la dépression »4https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2015-02/contraception_fiches_memo_rapport_delaboration.pdf. Cependant, une étude danoise de 2016 5https://jamanetwork.com/journals/jamapsychiatry/article-abstract/2552796 a regardé sérieusement le phénomène et mis en exergue le lien existant entre prise de contraception hormonale et dépression, concluant que « l’usage de contraception hormonale, surtout auprès des adolescentes, était associé à un usage ultérieur d’anti-dépresseurs et à un premier diagnostic de dépression, suggérant que la dépression soit un potentiel effet secondaire de l’usage de contraception hormonale ».

contraception hormonale

D’autres effets secondaires de la contraception hormonale ont été citées par les femmes interrogées, comme la prise de poids ou des règles artificielles longues et abondantes. Il est édifiant de constater que toutes celles qui témoignent d’effets positifs d’avoir arrêté partagent un sentiment de meilleure compréhension de leur corps, de bien-être et de liberté retrouvée.

« Apres plusieurs années à prendre la pilule, mon corps ne l’acceptait plus et j’ai donc décidé d’arrêter avec la recommandation de mon gynécologue. Tant d’années à prendre la pilule m’ont fait oublier comment mon corps réagissait naturellement et le fait d’avoir récupéré cela, malgré les douleurs, me fait énormément de bien. Je n’ai plus besoin de prendre des médicaments pour ne pas avoir mal. J’ai appris à aimer la réaction de mon corps et à l’accepter. J’ai l’impression d’avoir repris contrôle de mon corps, de le laisser faire comme la nature le souhaite et d’apprécier comment le corps humain fonctionne. Je suis contente d’avoir arrêté la pilule malgré mes inquiétudes et je me sens beaucoup mieux dans mon corps en général. J’admire mon corps, mes douleurs et comment il gère tout ça. Je suis fière d’être une femme et de finalement accepter tout ça.« 

Lou*, 18 ans.

L’enthousiasme d’Ellen qui a pris une contraception hormonale pendant 20 ans n’est pas moins faible, allant même jusqu’à parler de renaissance :

Je me sens libérée, comme rallumée ! Vraiment a posteriori je me rends compte à quel point j’étais éteinte sous pilule, comme un robot dont on canalise les humeurs. Je redécouvre mon corps et son fonctionnement hormonal, je réapprivoise mon cycle, je me sens vivante! Ç’a vraiment été une renaissance et une libération pour moi.

Témoignage d’Ellen*, 40 ans.

Une minorité de femmes ont témoigné d’effets négatifs à l’arrêt de la pilule, dont une forte poussée d’acné pour quatre d’entre elles : « J’ai des règles plus longues et plus abondantes, mais le vrai désagrément a été une grosse poussée d’acné qui a nécessité un fort traitement dermatologique » témoigne Charlotte*, 27 ans. Une pilosité plus importante a aussi été mentionnée par plusieurs femmes.

Contraception hormonale et baisse de libido

L’effet secondaire de la contraception hormonale qui fait l’unanimité parmi les femmes qui témoignent est la perte de la libido. Toutes ont noté que leur libido avait disparu ou était extrêmement fluctuante quand elles étaient sous traitement hormonal. Une fois avoir décidé de passer à une contraception sans hormones, le constat est le même : leur libido a fait son grand retour dans leur vie et leur sexualité !

« J’ai arrêté la pilule au mois de février dernier car après des années de prise, j’avais constaté à la longue une baisse importante de libido. Et aussi, même si l’on ne s’en rend pas trop compte sur le coup, une prise de poids. Je suis passée au stérilet en cuivre et ç’a changé ma vie radicalement ! Mes vraies hormones ont repris le dessus : une libido d’enfer et une perte de poids ! »

Témoignage de Gwen*, 27 ans.

Si la Haute Autorité de Santé mentionne que de « faibles changements possible de l’humeur et de la libido » font partie des effets secondaires possibles de prise d’un DIU hormonal 6https://www.has-sante.fr/upload/docs/application/pdf/2015-02/contraception_fiches_memo_rapport_delaboration.pdf, une étude suédoise de 2015 indiquait que 27% des utilisatrices de contraception hormonale rapportaient un déclin de leur désir sexuel qu’elles attribuaient à leur contraceptif.

Peut-on assurément affirmer que la contraception hormonale diminue la libido ? Il est difficile de conclure cela, car les données à ce sujet restent prudentes et aucune autorité de Santé n’exprime de lien de causalité entre les deux. De plus, la baisse de libido peut aussi être due à d’autres facteurs liés à la situation amoureuse de la personne par exemple. Néanmoins, c’est un sujet qui mérite d’être considéré très sérieusement. Si les raisons de ce changement de libido peuvent être multifactorielles, cela peut trahir aussi une nécessité d’adapter réellement la contraception en fonction de chaque femme, de mieux les écouter, mais aussi de s’interroger plus fortement sur les risques existants.

couple sur un canapé

Précisons que les femmes qui ont témoigné n’ont pas eu à répondre à une question orientée « avez-vous constaté une baisse dans votre libido ? ». Elles nous ont envoyé leurs témoignages librement. Nous cherchions des personnes ayant stoppé la contraception hormonale et d’accord pour dire les effets positifs ou négatifs ressentis librement. Constat : il y a unanimité sur la question de la libido. Difficile d’y voir un simple hasard.

Evidemment, on se doute que cet effet indésirable peut avoir des conséquences négatives sur le désir dans le couple. Surtout que c’est très souvent la femme qui sera culpabilisée, car on leur impute toute la charge contraceptive. C’est ce qui est arrivé à Géraldine*, 27 ans :

« J’ai déjà essayé deux pilules et un implant. Les hormones, ça ne me correspond pas. J’ai eu les jambes lourdes, des œdèmes, prises de poids, cycles irréguliers, baisse de libido. J’ai donc décidé d’arrêter et de revenir au traditionnel préservatif. Mon ex n’était pas très ravi et me demandait d’envisager une autre contraception pour ôter la capote, car selon lui c’était moins bien niveau sensation… Il serait temps que les hommes réalisent les risques et les effets indésirables d’une contraception hormonale ! »

Géraldine*, 27 ans

La charge mentale de la contraception : une affaire de femmes, vraiment ?

Durant l’été 2020, un article de Slate nous informait que les industries pharmaceutiques considèrent que le marché de la pilule masculine ne sera pas assez rentable et qu’il est difficile d’obtenir des financements pour les chercheurs. On y apprend surtout qu’un essai clinique co-parrainé et co-financé par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) a été arrêté car les effets indésirables étaient jugés trop importants, alors qu’il s’agit des mêmes effets tolérés chez les femmes ! 7http://www.slate.fr/story/193131/pilule-masculine-contraception-recherche-tests-marche-effets-secondaires-histoire#:~:text=%C3%80%20ce%20titre%2C%20un%20essai,troubles%20de%20l’humeur%C2%BB.Rappelons qu’il existe déjà des solutions de contraception masculine en plus du préservatif, même si elles sont encore trop peu abordées en société. Nous invitons les hommes à se renseigner aussi à ce sujet.

plaquette de pilule

La baisse d’utilisation de la pilule a commencé à se voir après la « crise de la pilule » en France de 2012-2013, à propos du risque de thrombose veineuse profonde, associé à l’utilisation des pilules de 3è et 4è génération. La pilule anti-acnéique Diane 35, prescrite aux jeunes filles qui ont de l’acné, avait par exemple été retirée du marché en mai 2013. Mais, la Commission Européenne avait imposé son retour en pharmacie et prescription sous conditions. 8https://www.marieclaire.fr/,pourquoi-diane-35-est-elle-de-retour-en-pharmacie,708806.asp

L’Agence Nationale de Sécurité du Médicament (ANSM) annonçait le 10 septembre 2020, qu’elle organisait une grande consultation publique sur deux pilules progestatives, Lutéran et Lutényl, suspectées d’augmenter le risque de tumeur cérébrale ! 9https://ansm.sante.fr/S-informer/Actualite/Lutenyl-Luteran-et-risque-de-meningiome-appel-a-participation-en-vue-d-une-consultation-publique-Point-d-Information

La contraception hormonale, fort symbole de liberté pour les femmes lors de l’introduction de la pilule, est remise en question par les Françaises. On s’interroge aussi sur la manière dont on pense la charge de la contraception entre hommes et femmes.

Quels autres moyens de contraception si j’arrête la contraception hormonale ?

Au sein des témoignages reçus, deux choix de contraception sont nettement favorisés : le préservatif masculin et le stérilet en cuivre.

« Je cherche une nouvelle contraception après avoir arrêté la pilule. Pour l’instant, le préservatif fonctionne bien pour moi, même si ça ne me met pas super à l’aise durant l’acte. Je réfléchis au stérilet, mais je ne veux plus de truc étranger dans mon corps et j’ai peur de la douleur. Je me sens donc un peu dans l’impasse de la contraception. »

Témoignage de Clémence*, 24 ans.

C’est un constat cohérent avec les données recueillies sur le site du Haut Conseil à l’Egalité, indiquant que le préservatif masculin est utilisé par 22,6% des femmes (pourquoi n’a-t-on pas la donnée sur les hommes ?), ce qui est le même pourcentage pour le stérilet (DIU), deuxième contraceptif le plus utilisé par les Françaises.10https://www.haut-conseil-egalite.gouv.fr/sante-droits-sexuels-et-reproductifs/reperes-statistiques/

Il vous est possible d’utiliser également des préservatifs féminins, une cape cervicale, un diaphragme, ou encore de recourir à la ligature des trompes (contraception définitive). Pour les hommes, il existe la capote mais aussi la méthode thermique, le retrait, une contraception hormonale validée par l’OMS 11https://www.caducee.net/DossierSpecialises/reproductive/Les-hommes/methode-masculine-expe1.asp ou la vasectomie.

Illustration de méthodes de contraception par Mathilde Angevin
Illustration de méthodes de contraception, par Mathilde Angevin

Rappelons pour conclure que l’accès à la contraception est essentiel pour une meilleure santé sexuelle. Cela permet de limiter les risques de grossesses non désirées et les IST avec le préservatif. C’est un moyen d’émancipation pour les femmes et c’est un sujet qui nous concerne absolument tous-tes, hommes y compris ! La moitié des grossesses des pays occidentaux seraient encore accidentelles et un tiers d’entre elles déboucheraient sur un avortement 12https://www.journee-mondiale.com/207/journee-mondiale-de-la-contraception.htm#:~:text=Le%2026%20septembre%2C%20on%20c%C3%A9l%C3%A8bre,non%20d%C3%A9sir%C3%A9es%20dans%20le%20monde. . Souhaitons en cette Journée Mondiale de la Contraception, que les gynécologues soient plus à l’écoute des besoins différents de leurs patientes, et informent plus précisément leurs jeunes patientes sur les moyens de contraception existants.

*Les prénoms ont été publiés avec le consentement de chacune des femmes ayant témoigné.

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