Le Haut Conseil à l’Egalité vient de sortir son baromètre annuel pour analyser l’état des lieux du sexisme en France. Dans les médias, les discours sexistes et masculinistes ont
gagné en visibilité, souvent considérés comme de simples « opinions ». Les sujets relatifs à l’égalité femmes-hommes ont été l’objet d’instrumentalisation politique et de désinformation croissante. Les pratiques et les pensées féministes semblent être de plus en plus discréditées. En filigrane de ce ces tendances à la polarisation, les atteintes aux droits des femmes, les inégalités de genre systémiques et les violences sexistes et sexuelles subsistent. La lutte pour une société égalitaire et féministe doit se poursuivre, restons alertes et engagées !
Une tolérance encore forte vis-à-vis du sexisme et une forte polarisation politique entre hommes et femmes
Le contre-discours de résistance à #MeToo, est de plus en plus construit et organisé, appuyé par des campagnes de désinformation. Le sexisme se présente désormais comme une « opinion comme une autre », face à un féminisme présenté comme oppresseur.
Sur les chaînes info, le traitement des violences sexuelles et sexistes est en hausse de 17 % entre 2019 et 2024 et « MeToo » n’a jamais été autant prononcé qu’en 2024. Cependant, la place croissante des sujets « féministes » a pu engendrer une banalisation
des violences de genre, voire un contre-discours journalistique et des campagnes de
désinformation.

Les réflexes sexistes continuent de s’inviter dans le monde des médias, mais les propos sexistes font l’objet d’un contrôle encore très limité, car le discours sexiste est trop rarement repéré, retenu, donc puni, notamment dans les médias.
Si plusieurs évolutions sociétales sont aujourd’hui bien acceptées – 91 % estiment qu’une femme présidente est capable de diriger le pays (+2), un certain nombre de stéréotypes perdurent : 3 Français sur 4 estiment que les hommes doivent protéger les femmes (une idée partagée par 7 femmes sur 10) par exemple.
RAPPEL DE LA DEFINITION DU SEXISME
Le sexisme est une idéologie qui repose sur le postulat de l’infériorité des femmes par rapport aux hommes, d’une part, et d’autre part, est un ensemble de manifestations : gestes, propos, pratiques et comportements, des plus anodins en apparence (remarques…) aux plus graves (coups, viols, meurtres…). Ces
manifestations ont pour objet de délégitimer, stigmatiser, humilier ou violenter
les femmes et ont des effets sur elles (estime de soi, santé psychique et physique
et modification des comportements).
Il existe une polarisation croissante d’une partie de la jeunesse, avec d’un côté des femmes plus sensibles au féminisme et de l’autre une partie des jeunes hommes plus sensibles à des positions sexistes très dures, aux discours masculinistes et aux mouvements réactionnaires et politisés.
On parle de « bro vote », pour parler des jeunes électeurs masculins de Trump. L’influenceur masculiniste Andrew Tate, s’est réjoui à la victoire de son candidat du « retour du patriarcat », et Elon Musk a célébré le retour de la « cavalerie » et des « hommes, qui comprennent désormais que tout est en jeu ».
Idéologie traditionaliste et fémonationalisme politique
Les tendances traditionalistes attirent de plus en plus de jeunes femmes, qui vont voter pour les camps conservateurs et d’extrême droite. Cela s’explique par diverses stratégies mises en place par l’extrême droite partout en Europe : campagnes de communication destinées à adoucir leur image et à se débarrasser de leur réputation de rétrogrades sur les droits des femmes.
Depuis quelques années en Europe, les partis d’extrême droite adoptent également des positions fémonationalistes, consistant à genrer la question migratoire, en présentant les étrangers comme autant d’auteurs de violences sexuelles potentiels, à rebours des statistiques officielles établissant que 9 femmes sur 10 connaissent leur agresseur.
Au sein du gouvernement Barnier, la répartition paritaire des 39 ministres et secrétaires d’État du gouvernement témoignait d’une division très genrée des responsabilités : sur les 19 ministres de plein exercice, seulement huit étaient des femmes. Cinq hommes occupaient les cinq ministères régaliens, clés du pouvoir.
« Le sexisme est désormais plus encadré dans le monde
Elizabeth Borne, ancienne Première Ministre France
professionnel qu’il ne l’est en politique (…) nous avons le droit de faire partie du paysage, mais certainement pas au premier plan. {…} Je suis attaquée continuellement
parce que je ne respecterais pas les codes fantasmés du politique : surprise ! Ils sont exclusivement masculins ! »
#NotAllMen ou la difficile prise de conscience de la banalité des violences sexuelles
Dans « l’affaire Mazan », plus de 50 hommes sont accusés d’avoir violé la même
femme, Gisèle Pélicot, droguée à son insu par son mari, Dominique Pélicot, qui
figure parmi les mis en cause. Alors que ce procès médiatisé, est un symbole édifiant de la socialisation des hommes à la violence envers les femmes, le hashtag #NotallMen a refait surface. La plupart des accusés se sont posés en victimes comme lignes de défense, malgré des preuves vidéos irréfutables attestant le viol sous soumission chimique. En parallèle, les médias ont souvent dépeint Dominique Pélicot comme un monstre et cette affaire comme exceptionnelle. Pourtant, ce procès montrait bien l’extrême banalité des profils de violeurs, comme le rappellent en permanence les féministes. Par ailleurs, les médias ont fortement insisté sur la « dignité » de Gisèle Pélicot, soulignant ainsi son profil de victime parfaite, qui ne pleure pas et ne s’énerve pas. Comme s’il y avait un comportement plus respectable que d’autres pour les profils de victimes, et que l’expression des sentiments devait décrédibiliser les victimes de violences sexuelles. La déconstruction de l’image du violeur et de la femme violée reste encore un chantier pour la société !

94 % des Français·es considèrent que les hommes ont un rôle à jouer dans la prévention et la lutte contre le sexisme dans la société.
Selon un sondage Ifop, 59 % des Français·es considèrent que les accusés de l’affaire Pélicot sont des cas particuliers qu’il ne faut pas confondre avec la majorité des hommes.
En termes de violences sexistes et sexuelles, les femmes et les hommes continuent de percevoir les réalités différemment. 51% des jeunes femmes déclarent avoir subi au moins une situation de non-consentement, tandis que seuls 28% des jeunes hommes disent avoir pu agir de la sorte.
Aux violences sexistes et sexuelles, pouvant aller jusqu’à l’extrême du féminicide (96 victimes en 2023), ajoutons le sexisme économique. Selon les dernières données Insee, le revenu salarial moyen des femmes est inférieur de 23,5 % à celui des hommes dans le secteur privé. Si une femme devient mère, sa perte salariale est d’environ 20 % 5 ans après une naissance et jusqu’à 40 % pour les bas salaires. À quand des congés parentaux égalitaires en France, pour pallier aux inégalités de genre ? Aujourd’hui, les pères augmentent leur temps de travail, quand en parallèle les mères le diminuent. À noter que 71% des Français-es sont favorables à un congé paternité obligatoire concomitant au congé maternité de 16 semaines.
Le sexisme économique, c’est aussi les conjoints violents qui s’appuient sur la précarité de leur partenaire pour les enfermer dans une spirale de dépendance financière. 99 % des femmes victimes de violences économiques conjugales ont subi aussi d’autres formes de violences conjugales.
De nombreuses femmes demeurent auprès d’un conjoint violent par nécessité économique : 19 % seulement des femmes victimes de violences qui cohabitent avec l’auteur portent plainte.
L’aide universelle d’urgence, une enveloppe accordée par l’Etat pour soutenir les femmes dans leur séparation d’un conjoint violent, a aidé 26 000 femmes en 2024.
Stéréotypes de genre et divisions genrées exacerbées
42% des hommes estiment qu’une femme doit avoir peu de partenaires sexuels (+6), le fameux bodycount récemment débattu sur les réseaux sociaux.
2024 est aussi l’année de la création de Tanaland. Le Tanaland est un pays virtuel strictement réservé aux femmes, qui détourne l’insulte misogyne « Tana » (contraction de l’espagnol « putana »). Fruit d’une lassitude massive au cyber-sexisme, c’est un endroit imaginaire où les femmes peuvent échanger librement en ligne. En quelques semaines, ce lieu est devenu symbole d’unité et de sororité, une « safe place » en non-mixité, une utopie féministe. En réaction, des hommes ont inventé «Charoland », pays virtuel peuplé de femmes nues destinées à satisfaire le désir des hommes. Un concept qui ressemble donc déjà à l’actuel cyberespace.
Le conflit numérique entre Tanaland et Charoland met en lumière un écart de genre préoccupant chez les jeunes générations. Tandis que les jeunes femmes aspirent à un monde égalitaire et sans sexisme, les jeunes hommes défendent le statu quo du patriarcat. Cette divergence illustre des tensions profondes dans la perception des rôles de genre et des aspirations sociétales. »
On peut mentionner également le mouvement féministe coréen 4B repris en masse sur les réseaux sociaux. Il se fonde sur 4 principes : pas de rencontre amoureuse, pas de mariage, pas de relation sexuelle et pas de maternité.

Cependant, point positif à souligner : 67% des jeunes hommes, reconnaissent qu’il est plus difficile d’être une femme dans la société que d’être un homme. Même si 45% trouvent qu’il est difficile d’être un homme dans la société. On peut également analyser que cette résistance devant les avancées féministes, est la preuve qu’un changement s’opère réellement dans la société.